CCP 17 (jeudi, 26 mars 2009)
Le dix-septième numéro de CCP (cahier critique de poésie) publié par le Centre international de poésie Marseille vient de paraître.
Parmi les excellents articles de cette copieuse livraison de 308 pages, on trouve page 104 un remarquable article de Pierre Parlant sur mes deux derniers livres, parus l'an dernier, article que je ne résiste pas à communiquer ici.
CCP n° 17 dossier Paul Celan / Ghérasim Luca ; 17x21 ; 308 p. ; 15 €
cipM, centre de la Vieille-Charité, 2, rue de la Charité - 13236 Marseille cedex 02 www.cimparseille.com
Claude Chambard,
Le chemin vers la cabane, Le Bleu du ciel, 64p., 10 €
Young Appolo, La Cabane, 20 p., 6 €
Qu’abrite une cabane sinon la vive conscience du fait précaire d’exister ? Elle se distingue donc d’un refuge immédiat. Reste qu’il faut pouvoir s’y rendre. Les choses se compliquent alors car la cabane semble justement se soustraire à la visite, n’avoir presque aucune consistance, « Je ne sais pas où est la cabane. & tu n’es toi-même sûre de rien.» On en viendrait vite à poser que la cabane — le mot, la chose, «des souvenirs frottés à des mots éparpillés» — désigne précisément ce qui, dans nos vies d’êtres de parole, ne peut s’atteindre, ce avec quoi rien ne saurait coïncider. Ainsi s’agit-il seulement de l’approcher — Claude Chambard s’y emploie scrupuleusement de livre en livre —, d’emprunter son chemin — une géométrie pacifiante, des plantes nous y attendent—, sans jamais s’y installer. Cabane serait donc l’autre nom pour penser, moyennant ce «chemin» et l’endurance qu’il suppose, le rapport que nous entretenons avec nous-mêmes, avec le réel aussi bien; ou encore la preuve que nous ne sommes rien sinon ce rapport même. Et dans l’écart le paradoxe du semblable se manifeste impérieusement, «Car je ne puis plus faire autrement. / Je regarde l’enfant & la femme & l’enfant. / Je cherche leur ressemblance.» L’élégie, i.e. la poésie en son essence, procède probablement de ce regard particulier, mélange d’audace et d’inquiétude, auquel correspond aussitôt dans la langue la conviction d’une singularité définitive, précieuse, de tous êtres, quels qu’ils soient, chacun conspirant à la levée pour nous d’«un jour sur la terre». On ne s’étonnera pas que des fantômes surgissent, ne sont ils pas en nous les marques vivantes de ce qui n’en finit pas de disparaître ?
Young Appolo, évoquant notamment les derniers jours de Walter Benjamin, construit lui aussi à sa façon une authentique et délicate intrigue spectrale, «les mots se dérobent, ils ne comprennent pas qu’ils sont le récit sans moi.»
Pierre Parlant
18:27 | Lien permanent