Bernard Manciet, Ampelos (dimanche, 06 février 2011)
Le manuscrit de ce livre était sur la table de travail de Bernard Manciet lorsque la mort s’en est venue le chercher. Les dieux ont-ils pleuré ? Quelques vivants (pour encore peu de temps) sans aucun doute… La disparition de Manciet est la fin de quelque chose de plus grand que lui, la fin d’un modèle de résistance aux prés carrés. Mais l’arbre, qui parfois cachait la forêt, n’est pas encore coupé, c’est à peine si quelques feuilles sont recroquevillées. Les poètes occitans, des nouvelles générations, doivent trouver ici le modèle et savoir le dévorer et le dépasser.
Le chant, la célébration, la langue, n’ont pas de particularismes locaux, ils sont de toujours et maintenant, d’ici et d’ailleurs, dans toutes les langues, la grandeur de la poésie est à ce prix. Manciet l’avait bien compris. Ce dernier volume en est la preuve encore, au travail dans les langues, pour une unique réussite. « Il faut mourir en couleurs terribles – que cau color-morir pauruc », écoutez la langue chanter, « dormir ne pas dormir mais/rêver le rêve – dromir non pas dromir mès/saunejar lo saunei », écoutez la langue bruire, « dans la chair luisante de la nuit/le jeune impétueux se repose/il dort dans la vision/toutes les sources de sa chair/parlent dans la vieille parole – debs la carn lusenta de la nueit/lo hodre joen se repausa/que dròm dens la vision/las dotz tota de sa carn/parlan dans la vielha paraula », écoutez la langue éternelle de Manciet, c’est-à-dire la langue éternelle de la poésie du monde entier.
Claude Chambard
Bernard Manciet
Ampelos
Bilingue : français/occitan
Traduit de l’occitan par l’auteur et Guy Latry
14x21 ; 80 p. ; 13 € – isbn : 978.2.914387.92.7
L’Escampette éditions
16:16 | Lien permanent | Tags : bernard manciet, ampelos, l'escampette, guy latry
Commentaires
ampelos
las eslors d'en devath l'aiga
la vinha que se las pehora
dont tres a tres alenadas
se'n praba trilha
sus ta flor aclinada
e t'ombreja e t'assorelha
Ampelòs surfer d'amarossas
com un eslombric viu arriu
com un pitralh
qui vòla a cabelh d'èrsa
a blancats
a caluna melada au ser
de lengas
sau suberhauta
arregussada
Bernard Manciet n'était pas hostile à une graphie phonétique.
En 2004, il m'écrivait:
...Votre courier en orthographe phonétique m'est bien parvenu, et m'a plu.
En effet, l'abondance des W et des K a quelque chose de très décoratif...
Voici un texte, à lire à haute voix, pour rester fidèle à la musique
du parler noir de l'auteur!
promptur
les eslous de'n debat l'aygue,
le bigne ke-s les péhoure.
doun tres a tres alenades,
se'n prabe trilhe
sus le toue flou aclinade.
ke-t oumbrage, ke-t assourelhe.
Ampélos, surfer d'amarousses,
coum un esloumbrik biw-aniw,
coum un pitralh
ki boule a cabelh d'erse,
a blancats,
a calune melade a'ou së,
de lengues,
saw suberhawte,
arrégussade...retourné, comme par un versoir de charrue
Écrit par : Pierre Esteve | mercredi, 28 mars 2012