"carnet des morts", extrait, pages 64 & 65 (mardi, 08 mars 2011)
Les rêves nous entraînent souvent dans l’inattendu, l’incroyable voire l’impossible.
Pinocchio au long nez chevauchant un âne blanc, un tigre de papier tente des les avaler ; une mouette rieuse ouvre, sans clef, une boîte de sardines ; le lièvre de Mars distribue les œufs pour Pâques en avril ; le roi Dagobert met sa culotte à l’endroit & Ravaillac lui prête son poignard pour trancher une belle pomme rouge que vient de lui donner la vilaine sorcière aux ongles longs ; une capitale qui pleure les sanglots longs des vies perdues le long des caniveaux nauséeux ; une laitière sans pot au lait cajolant une vache aveugle qu’un train a renversé; écoute distraite de son propre éloge funèbre sur une radio culturelle...
Encore une nuit en plein jour.
Les routes des rêves paraissent libres.
Un chemin plein de traquenards est hors temps.
Ce n’est pas une récompense.
Un entêtement. Une impossible réconciliation. Au bord de la rivière.
La tête en flammes, le cœur en feu, le corps en nage dans la neige.
Blanc sur blanc = noir.
Lorsque je me réveille la neige a presque complètement fondu.
Le ciel est bleu, il fait presque doux.
Douze bâtons sont à mes pieds.
Une légère fumée s’élève derrière mon barda.
De l’encens brûle lentement dans une demi-coquille de Grande Nacre.
Pas de traces de pas dans la neige jaunissante.
Je décide de m’installer là pour un temps. Je tends la toile cirée entre les basses branches & la terre herbeuse, je cale le tout avec des grosses pierres.
J’amasse des mousses, des brandes, des feuilles, de jeunes branches, je déroule le duvet sur cette surface hasardeuse mais à peu près sèche. J’allume un petit feu. Il monte droit. Un tremblement dans les branches. Le clapot de l’eau. Le crépitement du petit bûcher. Les croassements des corbeaux & des corneilles. Le temps s’évapore dans le temps.
Un rouge-gorge (Erithacus rubecula) vient chaque jour me visiter. D’abord de loin, puis de jour en jour un peu plus près. Il sautille, il agite sans cesse ses ailes & sa queue, il pique les vers de terre & les avale goulûment. Je lui jette les petites baies que je trouve, quelques miettes de pain, il approche, il approche. Le matin, dressé sur une branche dégagée, il chante.
Claude Chambard
carnet des morts
couverture de François Matton
le bleu du ciel
15x19,5, 112 pages illustrées , 14 €
ISBN : 978.2.915232.72.1
16:37 | Lien permanent
Commentaires
Que j'ai hâte de lire Carnets des Morts, et d'emprunter ce chemin qui s'annonce plein de rêves et de vie, d'inattendu et aussi de sérénité! Merci de nous en proposer ce bel extrait.
Écrit par : Anne-Françoise | mardi, 08 mars 2011