Frédéric Boyer, « Dans ma prairie » (dimanche, 13 juillet 2014)
« Souvent je n’ai aucun souvenir de ma prairie je dois tout inventer si je veux m’en sortir. Tout imaginer. Les glands secs et durs qui contiennent l’idée première du monde. Ma prairie serait comme un être que j’ai aimé et oublié avec l’habitude et que je n’aurais pas suffisamment apprécié.
À travers tous les mondes bizarres
il y a ma prairie.
Chaque trou de ma prairie contient un trésor caché par des bandits morts pires que moi.
Moi ?
Oui moi perdu sur les fougères qui se balancent ou dans la vague molle éphémère des graminées du printemps.
Quand je suis un tout petit garçon solitaire qui cherche son chemin. Petit Poucet en bottes de caoutchouc dans ma prairie.
Et ça ne change pas j’ai beau vieillir je reste seul de cette solitude que seule ma prairie accueille.
Loin de me laisser abattre par cette immense ouverture à perte de vue, par le vide du ciel étoilé, je me rassemblerai rassemblant tout ce que j’aurais été et qui je n’avais jamais été ou ne serai jamais ou sur le point de l’être : enfant perdu orphelin amant solitaire pisteur trappeur bandit pionnier indien et tête de rien. »
Frédéric Boyer
Dans ma prairie
P.O.L, 2014
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