Anonyme, L’esprit d’idéal (dimanche, 24 juillet 2016)
Zhao Mengfu, Homme à cheval, 1295, dynastie Yuan
Air : « En audience auprès du fils du Ciel ».
« Aux ignorants le pouvoir,
Aux illettrés l’argent ;
Aux bons à rien les louanges et puis les compliments.
Il a de ces penchants-là, figurez-vous, le vieux Ciel vénérable :
À ne point distinguer le sage du crétin,
À confondre le brave,
À éprouver le bon,
À mettre des bâtons dans les roues du capable,
Ayez de l’idéal haut comme Lu Lian*,
Des mœurs plus pures que Min Qian**,
Et votre destinée vous jettera à terre, méprisé de tout un chacun.
Les ignorants au firmament,
Les illettrés mis au pinacle ;
Les bons à rien fêtés et admirés.
Il ne veut rien savoir du pur et du turbide, le vieux Ciel vénérable :
Vous traite le bien, le mal, sans rime ni raison,
À insulter le charitable,
À humilier le misérable,
À mettre l’ami des livres en posture de coupable.
À l’âge de raison la petite étude,
La grande à celui où l’on se perfectionne***:
Mais tant de science et de raison ne seront rien, qu’on se le dise, face aux billets noir-de-canard**** ! »
* (v. -305 - 245) conseiller politique à Qi, sous les royaumes combattants, était sage, avisé et détaché du monde.
** (-536 - 487) un des disciples de Confucius, se distinguait par la pureté de sa conduite, sa piété filiale et sa fidélité en amitié.
*** à l’âge de raison, on entrait, selon les préceptes aristocratiques de l’Antiquité, dans les apprentissages de base de la vie en société ; à quinze ans venait la grande étude, celle des livres et des classiques.
**** dans l’argot des Yuan : l’argent (à cause de la teinte sombre du papier-monnaie).
« La dynastie des Yuan (Mongols, 1279-1368) »
Textes traduits, présentés et annotés par Rainier Lanselle
in Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade / Gallimard, 2015
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