Pascal Quignard, « Une Journée de Bonheur » (lundi, 13 mars 2017)
en couverture : Corot, Jeune femme cueillant une fieur (détail)
« Sur les couples des fous de Bassan
Carpe
arrache
diem
jour.
Les couples de fous de Bassan, tout blancs,
la tête blonde,
tous les ans reviennent au même nid où ils se rencontrèrent pour la première fois.
Reviennent où ils s’aimèrent.
Arrache-jours.
Chaque année le mâle apporte à la femelle retrouvée
brins d’herbes mêlées de fleurs
dont il entoure le cou de celle qui l’a distingué jadis entre les autres.
Il l’enroule,
formant un collier instable.
Les phrases des oiseaux sont très brèves,
laissent peu de temps à la réponse,
reprennent vite leurs sèches séquences et leurs brèves fréquences,
pour les encranter dans le vide.
Ce sont des colliers de sons dont la durée fait quelques secondes.
Petites mélodies subites qui s’accrochent et se suspendent dans les vides que le désir laisse,
qui attendent dans le vide
au sein d’une attente où l’appel lui-même attend
au point qu’il résonne.
Fragments de chant.
Fragments verbaux.
Le réel du texte n’est jamais vaste. »
Pascal Quignard
Une Journée de Bonheur
Arléa, 2017
Dans toutes les bonnes librairies à partir du 16 mars
19:19 | Lien permanent | Tags : pascal quignard, une journe de bonheur, arléa
Commentaires
je dirais : cueille et capte le jour comme tu le ferais d'un fruit mûr. Un fruit mûr de son passé, mûr du jadis. Ne pense pas à demain, mais à ce jour riche de son passé. Et s'il te faut l'extirper, ce sera des gangues secondaires, inintéressantes au regard de ce pur geste de cueillir et de capter ce qui du jadis a décanté.
Carpe - arrache : lien avec 'escarpé' ? Nous sommes au bord du gouffre. Le gouffre de demain et de la mort. Cueillons donc les fruits mûrs du jadis toujours jaillissants. Vivre à l'arrache puisque la mort c'est demain.
Écrit par : Broech | mercredi, 15 mars 2017