Claude Margat, « L’Horizon des cent pas » (samedi, 02 septembre 2017)
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« La peinture n’est pas plus admissible que la poésie mais l’une comme l’autre sont aussi nécessaires à la respiration de la pensée que l’air l’est au souffle. L’une et l’autre guérissent l’esprit des aveuglements du sens.
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Une peinture ne devrait jamais sortir de la sphère du geste qui la produit. Le geste est à la peinture ce que la mesure est à la musique.
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Aucun projet. Seulement le rythme et ses déclinaisons.
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Voir la pensée prendre forme sous sa propre main constitue une expérience sans équivalent. Par le travail de la main s’abolit toute distance entre le désir et son objet. Encre et pinceau sont les agents d’un toucher aérien. Ce n’est jamais le peintre qui met un point final à l’approche mais l’objet même du désir. Ce qui manque à la substance constituée de l’œuvre se trouve compensé par le suspens que celle-ci produit en ne s’accomplissant pas. La manière d’un artiste exprime le style de son approche. Lorsque l’intention investit le geste, elle en devient l’élan. Sans crainte ni hâte, il ne reste plus qu’à se conformer au rythme qui commande déjà au pinceau.
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Tout est rythme, scansion. Et tout est vu, saisi en plein vol.
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Ce que la peinture écrit, elle ne le nomme pas mais elle le pense à la manière du poète qui use de toutes les ressources de la langue et fait sourdre à nouveau l’originelle saveur du mot. La main est là, animant d’invisibles remous, communiquant à l’ensemble du corps l’écho d’une présence obscure et cependant familière.
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Je peins sous l’impulsion de ce qui écoute et cherche en moi le sentier de son propre espace, espace qui telle une calligraphie en cursive se déroule et dévoile une double intimité.
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Chaque jour je constate que l’élan qui m’anime n’est pas tant inspiré par le désir d’exprimer ce que je ressens que par celui d’apprendre. Le suprême bénéfice de l’action de peindre est que l’on conduit à tout observer dans le détail. Le regard chaque jour se tourne vers la rive et s’émerveille de pouvoir l’explorer. L’action de peindre produit un dépôt à la surface duquel vibre la présence du vivant.
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Bien voir, c’est bien entendre. Et bien entendre, c’est entendre au-delà de l’audible.
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Dans une peinture c’est l’émotion qui constitue le liant, non l’émotion combustible du regard, mais l’émotion dans la peinture.
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Je peins ce qui remonte de mon œil, et ce qui remonte de mon œil remonte de mon pied.
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Le trait de pinceau doit marquer la présence, désigner plutôt que cerner.
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Il y a un mot pour unir de façon immuable vide et plein : espace. »
Claude Margat
L’horizon des cent pas
Encres de Claude Margat
Calligraphies de François Cheng
Textes de Élisabeth Clément, Claude Louis-Combet, Bernard Noël, Claude Margat
Entretiens avec Jean-Michel Bongiraud, Jean-Luc Terradillos, Jean-Paul Auxeméry
Coll. Les Irréguliers, éditions de la Différence, 2005
On peut écouter & voir avec profit : https://www.youtube.com/watch?v=KM1MODCix2A
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