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Hong Zicheng, « Propos sur la racine des légumes » (jeudi, 08 août 2024)

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« Laissons un peu à manger aux souris, n’allumons pas les lampes à cause des papillons.

C’est parce que nos anciens ont eu de telles pensées que nous méritons de vivre et de donner la vie. Sans cela nous ne serions que des formes humaines sculptées dans la terre ou le bois.

 

Celui qui déforme la vérité par ses calomnies est un petit nuage qui cache le soleil ; celui-ci ne tarde pas à retrouver son éclat.

Celui qui séduit par ses flatteries est un vent qui s’insinue par les fentes des vêtements ; il fait du mal sans qu’on s’en aperçoive.

 

Un homme satisfait est comme un liquide sur le point de déborder. Rien n’est plus redoutable qu’une goutte supplémentaire.

Un homme en danger est comme un arbre sur le point de s’abattre. Rien n’est plus redoutable pour lui qu’une simple chiquenaude.

 

Lorsque le vent tourne et affole les nuages il faut se tenir ferme sur ses pieds.

Lorsque les arbres et les fleurs sont dans tout leur éclat il faut lever les yeux plus haut.

Lorsque la route devient escarpée et dangereuse il faut faire demi-tour à temps.

 

Si je peux me garder libre de toute contrainte, qu’est-ce qui pourrait me mobiliser, que ce soit l’appât de la gloire et du gain, ou la peur de la honte et de l’échec ?

Si je peux préserver ma quiétude spirituelle qu’est-ce qui pourrait m’aveugler sur ce qui est bien ou mal, utile ou nuisible ?

 

Lorsqu’on entend, près d’une haie de bambou, un chien aboyer ou un coq chanter, on se sent transporté dans un monde libre comme les nuages.

Lorsqu’on écoute, au milieu de ses livres, les cigales striduler ou un corbeau croasser, on accède à un autre monde au sein de la quiétude.

 

Regardons, par notre fenêtre grande ouverte, l’eau verte et les montagnes bleues qui avalent et recrachent les nuages. Cela nous fait comprendre la spontanéité de l’univers.

Écoutons, dans les forêts de bambous touffues, les jeunes hirondelles apprendre leur babil et les tourterelles roucouler au fil des saisons. Cela nous fait oublier la distinction entre le moi et les autres créatures.

 

Si on s’applique à réfléchir à ce qu’il y a avant la naissance et après la mort, les pensées se taisent et le cœur s’apaise. On se sent porté au-dessus des choses de ce monde, promené dans ce qui fut avant ce qui est. »

 

 

Hong Zicheng (1572-1620)

Propos sur la racine des légumes

Traduit du chinois et présenté par Martine Vallette-Héméry

Zulma, 1995, réédition 2021

https://www.zulma.fr/livre/propos-sur-la-racine-des-legumes/

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