Autofiction ? Une page du jour.
Cet homme fut un monstre de lâcheté et d’ignorance.
Voilà ce qu’il a fait graver sur sa pierre tombale. Pierre noire et froide, pierre convenue, pierre imbécile de cimetière ni tout à fait pareille, ni tout à fait une autre, nous sommes identiques devant la mort répètent, reniflent, les bien-pensants de droite, de gauche, du centre et du reste…
¿ Por qué no te callas ?, a-t-il crié à son reflet, à son double inversé, dans la glace, ce soir d’un automne aussi lugubre que le fonds de la casquette d’un dictateur modèle courant.
Et sur cette plaque de granit lustré, noire comme la pierre idiote que l’on a posé sur la tombe de Marcel Proust au Père Lachaise à des fins de réfections, sur cette page d’un livre noir moins drôle qu’une page de Tristam Shandy, moins profonde qu’une encre lithographique, moins dure que le cœur d’un sans cœur, il se recueille sur lui-même. Vaguement. Il se recueille vaguement. Que se recueillerait-on sur soi-même sans craindre ses propres remarques, les pires car si elles ne font jamais très mal sur l’instant, elles durent souvent plus que celles des autres, les intrus, les faux-amis, les jesaistout, les chefs, les sous-chefs, les moinsquerien et les plusquetout… pareil, tout pareil, tous pareils.
J’aurais du la faire fabriquer en calcaire de Bourgogne, ça a tout de même une autre gueule, pense-t-il. Cet artisan auxois m’aurait gravé un beau Didot, ah merde, ça aurait ressemblé à quelque chose, à une page, voilà à une page, mais ça…
Je veux juste avoir la paix, pense-t-il. Pas des cachets roses ou des cachets bleus, pas des simulacres ou des contournements, pas des remèdes, pas des béquilles, pas des bons sentiments, pas des effusions, juste la paix sous la dalle.