(Carnet des morts), un travail en cours
La partie de chasse débute avant les premiers rayons de soleil. Dans le très relatif silence de la campagne, les hommes chuchotent dans le col remonté de leurs vestes. Les doigts gèlent sur l’acier des canons. Certains portent des mitaines. La buée de leurs respirations se mêle à la brume du petit matin.
Une scène primitive.
Car où pourrais-je me retirer hors du ciel & de la terre afin que mon amour puisse venir en moi.
Ne tirez pas, en lisière ! Le rabat arrive par l’Ouest, à la pointe de la sapinette.
Qui est celui qui peut porter sa vue jusque-là ?
Mais les bêtes, les monstrueuses bêtes entoureront le père !
S’il a le choix, il mourra. C’est simple.
Dans le sang répandu du père, flottent les fantômes des origines. Les ancêtres.
L’enfant lève la torche près le la roche. Il n’y a que des ombres à deviner. Le temps est neuf.
La chasse à l’affût, le voyeurisme, la contemplation, la lecture sont transis de sens.
Un coup de doigt jamais n’abolira le hasard. Le coup de feu ébranle la distance. Jusqu’à la chute de la victime désignée. On la dévorera plus tard.
Dans la souricière, le fromage se mord la queue.
Bruit de fonds universel. Acouphènes communs.
Brume du matin, des nuages & des brouillards.
Lever de soleil & monstres marins.
Mon fils sache-le
Écrire est sans fin
Mais c’est la langue qui soutient le mélancolique, l’épuisé, l’angoissé, l’errant. La langue qui ne lui manque jamais.
Même à terre, la langue transporte la langue, comme Offero (ou Reprobus) de la tribu des cynocéphales, fait traverser, sur son épaule puissante, un torrent aux flots furieux à l’enfant Jésus.
La langue porte la langue dans chaque bouche. C’est la langue qui entre, c’est la langue qui sort. C’est le secours de la langue.
La langue est un mot qui contient tous les mots.
(travail en cours, extrait du chapitre I)