Les absences de Tartin
Un extrait du 12eme volume du Nécessaire malentendu, en cours depuis quelques années, et qui, de fait, ne devrait pas être publié avant bien longtemps puisque va paraître en 2010 le quatrième volume (Carnet des morts), mais je travaille toujours sur plusieurs livres à la fois
pour François Lespiau
J’étais assis au pied du peuplier l’écorce était fraîche contre mon dos nu l’herbe un peu haute chatouillait mes jambes j’avais fermé les yeux une mouche venait de se poser sur mon pied droit je sentais ses pattes en mouvement elle montait vers mon gros orteil un peu de sueur coulait sur ma poitrine descendait jusqu’au nombril puis après une courte hésitation glissait jusqu’à la ceinture de mon short en toile kaki un vent léger agitait les branches et les feuilles de l’arbre ma verge gonflait sous l’étoffe rêche je n’avais pas envie d’ouvrir les yeux il me suffisait de savoir que la cabane était exactement à six mètres et soixante centimètres de mon entre jambes pour maintenir cette érection la garder au chaud la cajoler la bichonner jusqu’au moment où n’en pouvant plus tenir j’irais jouir sur l’étendue plate de l’étang la perturbant de dizaines de petits cercles qui s’élargiraient à la surface tandis que la jute blanche se diluerait dans les milliers de litres d’eau où ma semence se mêlerait avec les poissons les têtards les plantes les vies microscopiques qui peut-être s’en repaîtraient créant ainsi de nouvelles formes imperceptibles subtiles comme chaque goutte de sperme contient des milliers d’eden improbables comme chaque mouvement pour rentrer ma verge encore lourde prévoit d’innombrables et hypothétiques érections alors qu’au-dessus de moi passent des myriades d’étoiles invisibles dont le destin incertain laisse indifférent un vol de grues cendrées lançant des appels tonitruants tels des klaxons exaspérés au cœur des embouteillages le cou tendu formant un chevron de toute beauté malgré leurs queues broussailleuses et légèrement tombantes.
© : Claude Chambard