Serge Sautreau
Serge Sautreau est né le 16 octobre 1943 à Mailly-la-Ville dans l’Yonne. Il est mort le 18 mars 2010. Il a co-dirigé avec Jean-Christophe Bailly la revue Fin de siècle et la Collection froide. Avec Bernard Noël, André Velter et Jean-Louis Clavé la collection et la revue Nulle Part aux Cahiers des Brisants.
Il a publié (entre autres) avec André Velter, Aïsha (Gallimard, 1966) avec Jean-Christophe Bailly, Yves Buin et André Velter, un des livres cultes des années 70, De la déception pure, manifeste froid (10/18, 1973), Abalochas (avec des dessins d’Antoni Taulé et une peinture de Wilfredo Lam, chez Pierre Bordas et fils,1981) La Séance des 71 (Gallimard, 2000), Nicoléon (L’Atelier des Brisants, 2005)…
Il a traduit Adonis et Sayd Bahodine Majrouh.
Ce soir Bernard Noël qui était son ami dédiera sa lecture à la DRAC Aquitaine à la mémoire de ce poète important et trop peu lu.
La photo fut prise lors d’une lecture de Serge au Château de Bonaguil en 1985 – au second plan son ami, poète et éditeur, Jean-Louis Clavé – où j’ai reçu pendant tout un été des êtres qui m’étaient chers et dont le travail m’accompagne encore.
Mes pensées vers et pour sa compagne.
« La dérive sans frein de la pensée, de la possibilité – toujours oblitérée – de la pensée, voici, en fin de présent, ce que l’activité humaine globale ne cesse de tuer socialement en chaque individu. Je te devine sourire. Tu es montée aux branches d’un pommier, et, en bas, tes amies s’affolent un peu. Il y a de quoi s’inquiéter avec plus de précision qu’au sujet des vicissitudes du progrès et des pollutions en chaîne. Tu as abandonné la lecture de cette lettre à la phrase précédente, décidée soudain à aller contempler les falaises proches. Y aura-t-il un goéland blessé qui tombera, comme une feuille morte, comme une feuille blanche, comme une image, jusqu’à devenir invisible sous la neige des mots ? L’oisiveté totale n’« existe » pas – exactement pas plus que la fausse immobilité des pierres, ou que l’acte gratuit – et je pourrais imaginer de m’en prendre à ce qui, dans tout processus d’activité engendre des distorsions en chaîne de la pensée jusqu’à faire de celle-ci l’esclave de son possible. J’établirais alors comment ce possible de la pensée, à toujours être socialement rejeté, différé, devient effectivement possibilité réussie de l’esclavage – et les différents aspects de tout ce qui constitue le travail, je les mettrais systématiquement en cause en tant que principes et manifestations d’inertie du possible. Mais je me moque de L’INERTIE du travail. »
« Paris le 4 novembre 1973 » in Hors, Christian Bourgois, Coll. Foide, 1976
« Tu n’es pas tes pensées
tu es ce qui les capte
tu es le filtre que tu fais
ni capt ni rapt
le passage des pensées qui baignent l’univers
elles passent
passage des passages
cols
goulots d’étranglement
épreuves sans épreuve
la
pensée
est ce qui passe
tu n’es pas les pensées
tu n’es pas la pensée
tu la passes
tu passes »
« lumière blanche au Salang » in le Gai désastre, Christian Bourgois, 1980
« Tu entends les syllabes s’ouvrir. Tu entends le déchirement réversible. Tu entends ? ouvrir le frein. Laisse le fil sauter de la spirale du moulinet ouvert. Tu mors. Ne ferre pas. De grandes rumeurs ont lieu sur les boulevards, là-bas, très loin (très près), au centre, dans la circulation de »
L’autre page, Seghers, coll. Froide, 1973, rééd. Les cahiers des Brisants, 1987
« Je ne goûterai jamais la chair de l’Ombre Rouge. J’affirme pourtant qu’elle doit être mieux que succulente, dotée de vertus et de propriétés insoupçonnées. Mais c’est ainsi : on ne tue pas, on ne tuera jamais un Ombre Rouge. Son œil est plus profond que celui d’un homme. Je tremble, Monsieur, devant ce qu’il a à dire, et ce qu’il tait. »
« L’Ombre rouge » in Après vous mon cher Gœtz, L’Atelier des Brisants, 2001
Commentaires
Merci, Claude, d'avoir écrit ces mots-là. Suis envahi par la tristesse. Vais y camper quelques heures, quelques jours, quelques années. Quien sabe ??? Encore merci. Je t'embrasse.
Jean-Louis
Je travaille à l'heure actuelle sur le moment du naufrage dans l'imaginaire occidental. Un ami m'a offert un ouvrage passionnant de Serge Sautreau, poète que je ne connais pas, moi qui lis tant de poésie. Ce livre, apparemment méconnu, édité en 1977 par les éditions Hier et Demain s'intitule : Les Rituels du naufrage. Voilà. Je suis peiné d'apprendre que cet être a récemment disparu
Paris le 31 mai 2010,
Je suis attristé par la disparition du poète Serge Sautreau.
J'ai lu Aïsha en 1969. Premier livre que j'offris à ma très chère compagne. D'origine kabyle et andalouse, brune aux yeux noirs, je l'avais baptisée Aïsha dès le début de notre rencontre. Celà dura 29 ans. Aïsha nous a quittés le 8 mai 2009. Concordances des temps. Elle voulait résister encore et encore à cette foutue maladie de Hodgkin jusqu'au 11 mai, ma date anniversaire.
J'écris aussi des poèmes et pour le théâtre.
J'essaierai de venir le 8 juin à l'hommage qui est rendu par ses amis à Serge Sautreau.
Quand un poète meurt c'est tout un univers qu'il
emmène dans sa dernière valise.
Pensées vives à sa compagne.
jacques Bocquet,
Magnifique commentaire, êtes-vous SVP le poète dont nous avons quelques plaquettes dédiées à Claire Goll dans notre Fonds Goll (médiathèque dont j'ai la responsabilité) Merci de bien vouloir me répondre
bonjour, je voudrai savoir si la poésie de Sautreu en italien ... peut-etre... est traduit (pardon pour mon française) - g. dp