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  • Louis-René des Forêts

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    « Si la honte le fait se retourner la nuit,

    Chercher le sommeil pour cacher son visage

    C’est qu’il voit avec les yeux de la conscience

    Celui qu’on disait un garçon intraitable

    Revenir juger l'homme qui l’a trahi.

    Plutôt plaider coupable qu’en guise de défense

    Se prévaloir d'une sagesse acquise.

     

    Le chemin qui va d’hier à aujourd’hui

    Semble obscur parfois et si plein de détours

    Qu’il n'est guère aisé de s’y reconnaître

    Non plus que d’en justifier le parcours

    Auprès d'un enfant qui le commence à peine.

     

    Il a beau trembler chaque nuit davantage,

    Le cœur n'a pas perdu sa jeune fierté.

    Oublie ses défaillances, pardonne-lui

    D’avoir tant de mal à battre sans avoir peur

    De l’ennemi qui est dans la place et le guette.

     

    Que vienne le jour l’en délivrer, qu’il vienne

    Adoucir ce regard d’ange justicier

    Où se reflète sa sainte colère d’autrefois

    Tournée contre soi infidèle à l’enfance

    Et déjà soumis avant même de se rendre. »

     

    Louis-René des Forêts

    Poèmes de Samuel Wood

    Fata Morgana, 1988

     

  • Fernando Pessoa

    fernando-pessoa.jpg« Je ne sais qui je suis, ni quelle âme est la mienne.

    Quand je parle avec sincérité, je ne sais quelle est cette sincérité. Je suis diversement différent d’un moi dont je ne sais s’il existe.

    J’éprouve des croyances que je n’ai pas. Je fais mes délices de désirs qui me répugnent. Ma perpétuelle attention à moi-même me signale perpétuellement des trahisons de mon âme envers un caractère que je ne possède peut-être pas, et qu’elle ne juge pas non plus être mien.

    Je me sens multiple.

    Je suis comme une pièce garnie de miroirs innombrables et fantastiques, déformant en reflets factices une réalité centrale unique, qui ne se trouve en aucun d’eux et se retrouve en tous.

    Tel le panthéiste qui se sent astre, vague et fleur, je me sens être plusieurs. Je me sens vivre en moi des vies étrangères, incomplètement, comme si mon être participait de tous les hommes, mais incomplètement de chacun, et s’individualisait en une somme de non-moi, synthétisés en un moi purement pastiche. »

     

    Fernando Pessoa, Un singulier regard

    Traduit du portugais par Françoise Laye

    Christian Bourgois, 2005, rééd. Coll. Titres n° 45, 2007