Lionel Bourg, Comme sont nus les rêves, L'immensité restreinte où je vais piétinant
Lionel Bourg
Comme sont nus les rêves
Apogée
148 p. ; 15 €
L’immensité restreinte où je vais piétinant (poèmes)
suivi d’un entretien avec Thierry Renard
La Passe du vent
128 p. ; 10 €
Lionel Bourg est un homme en marche. Depuis 1949. Même la fatigue ne l’arrête pas. La maladie, à peine. Il se contente de se calfeutrer un temps sous les toits – lézardés, crevassés mais classés – où il « campe entre des piles de bouquins et des monceaux d’objets hétéroclites » – de sa ville de Saint-Étienne (après son Saint-Chamond natal distant de 11 kilomètres) — au célèbre stade Geoffroy-Guichard, car on peut être poète et aimer le football et même en parler au Cameroun. Et puis il repart. N’écrit-il pas qu’il faut « se perdre au sein de sa propre stupeur ». Pourtant en voyage « l’angoisse le dispute au bien être ». Adolescent, il faisait halte dans des troquets, avec Antoine qui voulait rapidement craquer la jolie rondelette qu’avait amassée sur son livret de caisse d’épargne des parents qu’il ne supportait plus, espérant ainsi fuir son milieu originel. Aujourd’hui il les affectionne moins, l’âge venant et Nadja ne venant plus. Reste les parcs où flâner où regarder les gouttes tomber dans le bassin, où cueillir « une fleur dont les pétales se détachent aussitôt : il est amer le goût des baisers que l’on n’osa voler ». Reste la campagne à vaches et la visite aux momies deux, trois fois l’an – « j’ai le goût des pèlerinages » –, reste la Bretagne. Reste Elice Meng qui délivre ces personnages « de l’ombre où ils étaient ensevelis », reste Rebeyrolle, Lequier. Reste Pirotte, Josse et Michaël Glück – « C’est de nécessité qu’il s’agit. » Reste la lettre de l’oncle « si triste, si pleine de chagrin et de mélancolie ». Reste Jean-Jacques, Villon, Rutebeuf et Nerval, Hölderlin, Larbaud, Ginsberg, Rimbaud, Baudelaire, Cendrars et Scève, reste Melville, reste Breton… « La poésie, dites, la poésie, qu’est-ce que c’est ? » Quand on est peu ou mal aimé, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est…
« Je me souviens enfant des mots qui m’obsédaient » dit le premier vers d’un poème et cet autre « Comme les jours sont longs et longue cette attente ». Plus sombre que sa prose, la poésie de Lionel Bourg est d’un seul tenant, tirant à elle les poètes qui l’accompagnent. Poursuivre avec eux est une nécessité et, au fond, le seul viatique, le principal enjeu de ce grand livre.
« La poésie, dites, la poésie, qu’est-ce que c’est ? » Peut-être simplement la recherche d’« une phrase ultime un geste dérisoire quelque chose / d’indéfinissable vraiment… ». Toute l’œuvre de Lionel Bourg.
Claude Chambard