Jean-Yves Masson, « Poèmes du voleur d’eau»
lxi. Description d’un jardin
Je me souviens d’un jardin d’encre dans un livre
que l’on avait déplié contre le mur,
où l’on suivait des yeux la forme des nuages
que le pinceau avait décrite avec douceur.
Dehors, dans les jardins, je retrouvais l’œuvre du peintre,
les arbres d’encre torturés qui se dressaient
devant l’étang, refusant d’affronter le ciel
et protégeant la terre éprise de leurs branches.
Et je me suis penché vers l’eau dormante
qui formait dans les joncs un signe d’eau.
Moi, le fils d’Occident, sur la terre orientale,
je contemplais, en ignorant, le fruit de la sagesse
d’un lettré du Japon qui avait fait tracer
dans ce jardin avec de l’eau le nom de l’eau.
Et tel est l’art : non pas expliquer mais comprendre,
et ne cacher que ce que l’on veut faire voir. »
Jean-Yves Masson
Poèmes du festin céleste
L’Escampette, 2002
Nouvelle rubrique, quand le temps le permet,
pour fêter les 20 ans de L'Escampette