Christian Garcin, « Les Cigarettes »
le coupe-ongles
« un concert de voix fines s’éclipse tout à coup
et face à moi ce mur uniformément ocre
d’où parvient assourdi un programme télé
de jeux pauvres à millions et musiques clinquantes
vient poser sur le tamis clair du soir
et l’odeur enfantine des poivrons frits
l’ovale de ton visage à Bergame sous le
rideau à claire-voie de tes cheveux mouillées
légèrement penché sur moi à la fenêtre
chambre huit de cet hôtel bric-à-brac
véritable brocante truffée de dessins statuettes
objets hétéroclites exotiques diplômes
où consciencieusement sur un fond de mur jaune
zébré de cette vieille gouttière itinérante
qu’on pouvait croyait-on toucher rien qu’en tendant le bras
assiégée doucement par ces rengaines à la télévision
d’une voisine vieillarde et sourde
ton visage sérieux incliné sur mes doigts
tu me coupais les ongles et j’embrassais ton cou »
Christian Garcin
Les Cigarettes
L’Escampette, 2000
Quatrième page pour fêter les 20 ans de L’Escampette