Sarah Kéryna, « Rappel »
« Paris :
Ils sont assis l’un à côté de l’autre,
sur la pelouse, au soleil. Ils ne se touchent pas.
Il lui offre Pétrole de Pasolini.
Il raconte l’histoire de l’enfant mort malgré les prières.
Depuis, il ne croit plus en Dieu.
Il ne tient pas la main.
Ne serre pas dans les bras.
Ils passent au-dessus des gares. Elle dit :
“Ça me déprime tous ces rails qui partent vers le nord.”
Un orage éclate brutalement. La pluie se met à tomber comme
un bombardement. Les passants s’engouffrent dans les immeubles.
– Marseille, c’est la lumière, elle ne l’a jamais vue
dans une autre ville.
Le lendemain, il prend son avion pour rejoindre l’autre.
Samedi, Paris et pluie.
Elle regarde la rue en contrebas.
Elle boit.
Dans le train du retour, une jeune fille demandant
si la place est libre, s’installe à côté d’elle.
Elles parlent jusqu’à Valence où la jeune fille descend.
Elles échangent leurs numéros.
– Elles ont le même prénom. »
Sarah Kéryna
Rappel
Coll. Biennale internationale des Poètes en Val-de-Marne
Le bleu du ciel, 2007