Claire Malroux, « Dits du cerf & de quelques biches »
L’apparition
« En fermant les yeux je l’ai aperçu Il se tenait devant moi à distance et dans une attitude d’attente
Sur les fougères des gouttes de rosée tremblaient dans un petit vent frais
La lumière redorait le monde
C’était, ce ne pouvait être que l’aube, nul autre moment du jour ni de la nuit pour notre rencontre
Avant même le corps j’ai vu les bois s’avancer posément, non pas flotter sur l’élément liquide,
Mais marcher dans le ciel quoique fermement rattachés au sol
Aérienne couronne, animal mi-arbre, arbre mi-animal, rêve ambulant
Il était là Je n’ai pas perçu le bond qui lui a permis de pénétrer dans l’enceinte de mon cerveau
C’était un jour d’automne, période de brame
Moi, roulant en autobus le long des grilles du jardin du Luxembourg
Il venait de loin, de si loin, de plus loin que mes souvenirs, que tous mes ascendants
Du temps où les idées et les mots, tout l’humain bagage à venir, n’étaient que nébuleuses sur la langue
Occultée par son grand corps, la biche derrière lui, sa compagne »
Claire Malroux
Dits du cerf & de quelques biches
L’Escampette, 2014