Georges Bataille, « L’Expérience intérieure »
Georges Bataille est né le 10 septembre 1897 À Billom
« Le génie poétique n’est pas le don verbal (le don verbal est nécessaire, puisqu’il s’agit de mots, mais il égare souvent) : c’est la divination des ruines secrètement attendues, afin que tant de choses figées se défassent, se perdent, communiquent. Rien n’est plus rare. Cet instinct qui devine et le fait à coup sûr exige même, de qui le détient, le silence, la solitude : et plus il inspire, d’autant plus cruellement il isole. Mais comme il est instinct de destructions exigées, si l’exploitation que de plus pauvres font de leur génie veut être “expiée”, un sentiment obscur guide soudain le plus inspiré vers la mort. Un autre, ne sachant, ne pouvant mourir, faute de se détruire en entier, en lui détruit du moins la poésie.
(Ce qu’on ne saisit pas : que la littérature n’étant rien si elle n’est poésie, la poésie étant le contraire de son nom, le langage littéraire — expression des désirs cachés, de la vie obscure — est la perversion du langage un peu plus même que l’érotisme n’est celle des fonctions sexuelles. D’où la “terreur” sévissant à la fin “dans les lettres”, comme la recherche de vices, d’excitations nouvelles, à la fin de la vie d’un débauché.) »
Georges Bataille
L’Expérience intérieure
Gallimard 1943, rééd. 1954, rééd « Œuvres complètes tome V, La Somme Athéologique », 1981