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Michel Jullien, « Yparkho »

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« La journée fut sans panne, sans venue, pas de factage, simplement un propriétaire d’olives descendu le matin du village de Zakros à deux-roues avec une turbine de refroidissement serrée entre ses cuisses, modèle tracteur, des fois qu’Ilias eut d’occasion la pièce équivalente, d’un autre modèle, mais non, si l’on pouvait quelque chose pour cette turbine, non, et il reprit sa route en direction de Xerokambos, moins déçu que surpris par cette chanson braillée dans l’atelier – il la racontera partout, à Zakros et plus loin, partout où l’on connaît Ilias : “Mais puisqu’il est sourd !” Ce fut tout, aucun autre mouvement au pas des deux maisons, sinon en début d’après-midi, une péripétie infinitésimale. Quelques chats s’étaient lovés dans la gaine de deux pneus amoncelés (pour la fraicheur, contre la touffeur de midi et l’inverse aussi, pour toute cette chaleur prisonnière du caoutchouc noir, l’ambiguïté thermique où les chats sont bien), l’un somnolant au rez-de-chaussée, deux autres à l’étage supérieur. Leur sieste fut soudain contrariée par un léger remuement, Maria étant venue s’asseoir sur les pneus, son pouf personnel au pas de la porte, de quoi vivre la petite éternité de l’heure, très faible alarme en vérité n’obligeant à rien d’autre que le prolongement du sacré repos, puis un second remous moins d’une minute après, aussi ténu, plus faible encore, la vieille se relevant, retournant chez elle tripoter son fichu, si peu de chose en soi, pas de quoi alerter la paix d’un somme. Elle aurait pu s’attarder davantage, sans compter, rester assise sur son siège pneumatique jusqu’à l’heure d’aller mettre la table, mais un coup de vent lui avait soufflé en plein visage, séance tenante, et son foulard se mit à faire n’importe quoi, dans son cou et sur son front, le nœud avec. Elle y mit les mains mais la robe fit pareil ; elle retint la robe et le foulard reprit son envol. Alors, comme elle n’a plus la tête d’accomplir deux choses à la fois – un bras retenant le voile, l’autre son vêtement –, elle décampa des pneus. Le chemin est si court jusqu’à sa porte qu’elle disparut debout comme qui va à quatre pattes. »

 

Michel Jullien

 Yparkho

 Verdier, 2014

Le nouveau site de Verdier : http://editions-verdier.fr/

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