Jean-Pierre Chambon, « Tout venant »
« Quel délicieux petit plaisir
de retenir
dans la zone floue
où n’ont pas encore
pris corps les mots
le moment d’écrire
* * *
Écrire
non tant pour éclaircir
que pour creuser encore
dans l’obscur
où les mots enfoncent leurs racines
* * *
Cette ombre de fumée
qui en rapides volutes ondule
sur la blancheur du mur
est-ce pensée des morts
cette chaine immatérielle
dont le vent disjoint
les anneaux silencieux
* * *
Les mots
dans leur ombre insensée persiste
portant l’écho d’une voix à venir
le rêve d’une langue transparente
tenue en réserve depuis l’enfance
qui nous ferait traverser le miroir
et dirait enfin le secret des choses
* * *
Le vieux cerisier au fond du jardin
a atteint aujourd’hui même
le degré extrême de la blancheur
attestant à nouveau l’oracle
énoncé par l’ermite zen Ryôkan
le monde
est devenu
un cerisier en fleurs »
Jean-Pierre Chambon
Tout venant
Héros-limite, 2014
Commentaires
Ah, comme les choses diffèrent étrangement dites en poésie ! Donne envie... Ajouté à la liste ! Merci.