Emily Dickinson, « Y aura-t-il pour de vrai un matin »
« Je n’oserais pas quitter mon ami,
Parce que — parce que s’il venait à mourir
Pendant mon absence — et que — trop tard —
J’atteigne le Cœur qui me désirait —
Si j’allais désappointer les yeux
Qui fouillaient — fouillaient tant — du regard —
Et ne pouvaient supporter de se clore
Avant de m’“apercevoir” — de m’apercevoir —
Si j’allais poignarder la foi patiente
Si sûre de ma venue — de ma venue –
Qu’écoutant — écoutant — il s’endormirait —
En prononçant mon nom attendu —
Mon Cœur souhaiterait s’être brisé plus tôt —
Car se briser alors — se briser alors —
Serait aussi vain que le soleil du lendemain —
Là où étaient — les gels nocturnes ! » (1861)
Emily Dickinson
Y aura-t-il pour de vrai un matin
Traduit et présenté par Claire Malroux
Corti, 2008