Jean de la Croix, « Chansons entre l’âme et l’époux »
« Au profond du cellier
de mon ami j’ai bu, et je sortais
parmi cette vallée
et plus rien ne savais
ayant perdu le troupeau que j’avais.
Là mon cœur m’a offert,
là, exquise science m’a enseignée,
et à lui toute entière
moi je me suis donnée,
là j’ai promis d’être son épousée.
Mon âme est employée
ainsi que tout mon bien à son service,
de troupeau n’ai gardé
et n’ai plus d’autre office,
car dans l’amour j’ai mon seul exercice.
Si donc en nos pâtures
nul ne peut plus me voir ni me trouver,
vous me direz perdue,
car d’amour emportée
j’ai voulu me perdre et me suis gagnée. »
Jean de la Croix
Cantique spirituel
Traduit par Jacques Ancet
in Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Œuvres
La Pléiade, Gallimard, 2012