David Antin, « Poèmes parlés »
© : Christopher Felver/Corbis)
« de temps à autre
de mystérieux coups le faisaient sursauter
il serait cloué sur place sous un porche
verrait une scène de désordre
elle lui disait sur un ton de confidence
“maintenant c’est mon tour de me cacher”
c’était un jeudi
il écrasa la bouteille sous son talon
il sortit son couteau de poche et ameublit la terre
il se leva et brossa les genoux de son pantalon
elle emporta le plateau
elle plaça le bol sur le lit
elle n’arrêtait pas de revenir à son sexe
une blancheur douteuse
“quand tu auras fini l’école”
“tu auras ta licence de droit”
“nous te la donnerons”
“mais j’aimerais aller en Allemagne”
“tu dois aller en Angleterre et en France”
il s’agenouilla sous l’arbre
il dormit quelque temps
il se rappela le verre bleu
il sortit du porche
nu-tête
il accomplit des actions
avec le sens de l’austérité
tout de même
il devait y avoir du sens
dans cette folie
seulement
il n’était pas en état
de le découvrir »
David Antin
« Novel Poem IX», traduit par Denis Dormoy
in Poèmes parlés
Traduits de l’américain par
Jacques Darras, Jacques Demarcq,
Denis Dormoy & Jacques Roubaud
Coll. « Les cahiers de Royaumont »,
éditions Les cahiers des brisants, 1984
David Antin, né le 1er février 1932,
est mort le 12 octobre 2016.