Wolfgang Hermann, « Adieu sans fin »
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« Il émanait du jardin une lumière singulière, comme si chaque feuille brillait de l’intérieur. À la cime des arbres, parmi les buissons, s’ouvraient des espaces intermédiaires qui étaient demeurés cachés pendant l’été. Il régnait alentour une lenteur, un flottement, comme si tout ce qui était vivant prenait conscience de sa faiblesse. Une fois que la lumière d’été s’était brisée, elle ne revenait plus. Elle montait, s’élevait toujours plus haut, resplendissait une fois encore de toute la force des feux du Grand Nord, puis elle se retirait de la terre et cédait la place à la grisaille de novembre. Dans la lumière d’’automne, les choses se ternissaient, leurs contours s’estompaient, elles se préparaient à un long exil intérieur qui vivrait un temps encore du souvenir de la lumière d’été.
Les gens avaient une démarche changée, elle était plus prudente, en quelque sorte moins spontanée. Comme si leurs corps en savaient plus long qu’eux-mêmes.
La lumière déclinante feutrait également la vie en moi. Lors des toutes premières semaines, avant que je me fasse à l’avancée de l’hiver, je fus en proie à un grand désarroi, je ne savais trop vers quoi me tourner, que faire pour ne pas me perdre de vue. Mais les jours gris-noir de novembre surent réveiller la joie enfantine que suscitaient en moi les crépuscules précoces d’hiver.
C’était avant que le temps ne meure. Ce fut comme la chute d’une feuille, à ceci près que ni la feuille ni l’espace dans lequel elle chutait n’avaient d’existence.
Ce qui flétrissait en moi, c’était la vie. »
Wolfgang Hermann
Adieu sans fin
Traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay
Collection « Der Doppelgänger », dirigée par Jean-Yves Masson
Verdier, 2017