Rainer Maria Rilke, « L’enlèvement »
DR
« Enfant déjà, souvent elle échappait
à ses bonnes pour voir naître au-dehors
(car dedans ils sont autres)
et la nuit et le vent ;
mais nulle nuit de tempête n’avait
jamais déchiqueté le parc immense comme
aujourd’hui le déchiquetait sa conscience
lorsqu’il la prit sur son échelle de soie
et l’emporta bien loin, bien loin… :
jusqu’à ce que la voiture fût tout.
Et elle la sentit, cette voiture noire
que la poursuite, en attente, guettait,
et le danger.
Elle la trouva tapissée de froid ;
et le noir et le froid étaient aussi en elle.
Elle s’enfouit dans le col de sa cape
et toucha ses cheveux, comme s’ils restaient,
puis entendit la voix étrangère
d’un étranger lui dire :
Jesuislàprèsdetoi. »
Rainer Maria Rilke
« Nouveaux poèmes » — deuxième partie, 1907
Traduit de l’allemand par Jacques Legrand
In Poésie, œuvres II
Le Seuil, 1972
Commentaires
Beau ce poème
Et touchante la photo