Marcelline Roux, « Celles qui regardent »
© Francepol
« Vouloir une maison sans risquer l’abandon.
[…]
Je voudrais savoir écrire les livres qui habitent les maisons, pas seulement ceux logés sur les rayons des bibliothèques mais ceux ouverts, déposés en certains endroits qui vivent autrement et forment autant de cairns lors de nos allées et venues. Écrire ceux sur le bureau près de la fenêtre, les empilés près de la lampe sur le parquet, les gardiens de la nuit, ceux en transit, debout sur le haut d’un meuble du salon, lus mais pas encore réintégrés et d’autres non lus qui attendent. Et si les lectures imprimaient une atmosphère particulière aux intérieurs, si tous ces mots parcourus le soir apportaient une présence, laissaient une trace, comme la sensation que l’on a d’emporter un bout de chez soi dans son sac quand on y glisse un livre. Ce n’est pas un hasard si les livres durent parmi les premiers à habiter leur maison, avec quelques assiettes, le nécessaire de toilette et le matelas sur le sol. Ils furent les premiers à se faire une place.
Il suffit de m’asseoir près d’une bibliothèque pour sentir un devenir, quelque chose qui pousse à continuer, à changer, à poursuivre. »
Marcelline Roux
Celles qui regardent. Carnet des maisons
Gravures de Francepol
Rhubarbe, 2017