John Keats, « Lorsque me vient la peur de pouvoir cesser d’être »
par Joseph Severn, 1819
« Lorsque me vient la peur de pouvoir cesser d’être
Avant que ma plume ait glané mon fertile cerveau,
Avant qu’en haute pile les livres, imprimés,
Enserrent, greniers pleins, la récolte bien mûre ;
Lorsque sur la face étoilée de la nuit j’aperçois
Les immenses symboles nuageux d’une grande épopée,
Et pense que peut-être je ne vivrai assez
Pour en tracer les ombres de la main magique du hasard ;
Et puis lorsque je sens, belle créature d’une heure,
Que sur toi mon regard ne se posera plus jamais,
Que jamais plus je ne goûterai au pouvoir féérique
De l’amour sans souci ; alors sur le rivage
Du vaste monde, seul je demeure et songe
Le temps qu’Amour et Gloire s’abîment au néant. »
22-31 janvier 1818
John Keats
Seul la splendeur
Traduit de l’anglais et présenté par Robert Davreu
Ophée, La Différence, 1990