Kouo Yu, « Longue nostalgie »
Illustration de Xu Baozhuan (1810-1885) pour Le Rêve dans le Pavillon rouge
« J’y pense longuement…
Mais à qui va ma pensée ?
Depuis qu’il m’a quittée pour monter à cheval,
Nuit après nuit je pleure en l’alcôve déserte.
Dans le miroir de jade, à l’aube, j’épile mes sourcils en antennes ;
Je vous en veux, mais en même temps je n’ai qu’amour pour vous.
L’eau du lac cet automne a débordé ; blanches sont les fleurs de lotus.
Mon cœur est blessé ; le soleil tombe, et deux canards s’envolent*
Pour vous j’ai semé puis cueilli le lichen**.
Dans le froid, la glycine s’étend le long des branches des pins sombres.
Pour vous, j’ai mis de côté l’oreiller orné de corail.
Les traces de mes larmes ont séché ; des toiles d’araignée sont nées.
Qui aime n’aura jamais peur des cheveux blancs ;
Mais pourquoi ne puis-je vous accompagner toujours ?
Le vent et la pluie sifflent ;
Cocorico, chantent les coqs !
… Mais à qui va ma pensée ?
À celui que j’ai vu en rêve. »
* Le couple de canards mandarins est le symbole du couple parfait qui ne se quitte jamais.
** Usnée barbue (Usnea barbata), lichen médicinal.
Kouo Yu (Kouo Yen-tchang) – 1316 - ?
Traduit du chinois par Siao Che-kiun
In Anthologie de la poésie chinoise classique
Sous la direction de Paul Demiéville
Gallimard, 1962, rééd. Coll. Poésie/Gallimard, 2000