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  • Jean-Yves Masson, « ES IST WORDEN SPÄT »

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    DR

     

    « Nous sommes venus tard et les chemins mentaient

    qui promettaient une lumière au prix des cendres.

    Les routes étaient sombres et les forêts brûlaient

    là-bas, dans le déclin du jour amer.

    Ah oui, nous sommes venus tard, il s’est fait tard,

    et nous avons trouvé le lit défait, la chambre obscure.

    Depuis longtemps le feu dans l’âtre était éteint.

    Mon âme, est-il possible qu’il soit si tard ?

    Ah, les pays sont oubliés, qui nous aimaient.

    Fumée du corps, dissipe-toi : l’hôte est parti »

     

    Jean-Yves Masson

    « Poèmes du voleur d’eau »

    in Poèmes du festin céleste

    L’Escampette, 2002

  • Peter Handke, « L’histoire du crayon »

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    DR

     

    « Au sortir de certains films je me suis, un instant, senti un héros ; après la lecture de certains livres, je sais que j’en suis un (et je sais que c’est un devoir qui m’incombe)

     

    Les acteurs japonais (chez Ozu par exemple) savent porter le deuil (sans exemple et de façon exemplaire); ils portent le deuil comme je n’ai jamais vu le faire qu’en rêve; ils sont là, les visages illuminés, et portent le deuil

     

    Grande impression de réalité – c’est-à-dire : d’être dans la réalité – à la simple vue d’un chat qui au loin, saute du haut d’un mur ou de la marque des cheveux sur la buée d’une fenêtre du train. À partit de maintenant, je connais la réponse à la question : “Qu’est-ce que la réalité ?” – la réalité, c’est le chat qui saute du haut d’un mur

     

    Écrire quelque chose dont personne ne pourra demander : “Qu’est-ce que cela veut dire ?” et qui en même temps reste tout à fait énigmatique

     

    Les lecteurs sont des gens forts : ils transmettent la lecture, ils sont ces “quelques opiniâtres”

     

    En écrivant il ne faut pas que j’en arrive à mesurer les mots les uns aux autres – le seul mot juste il me faut l’atteindre sans mots. En écrivant, seule doit parler, mot pour mot, la voix intérieure. C’est la voix du dehors, celle des oiseaux par exemple. Écoute la voix du dehors, c’est la voix intérieure »

     

    Peter Handke

    L’histoire du crayon

    Traduit de l’allemand par Georges-Arthur Goldschmidt

    Gallimard, 1987

  • Claude Margat, « Daoren. Un rêve habitable »

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    Photogramme du film Claude Margat, réalisé par les Yeux d’Izo en 2011

     

    « Nous ne sommes guère autre chose que la sensation d’un passage éphémère, un passage aussi impalpable que l’ombre et aussi rapide que la pensée. Nous-même et strictement nous-même est ce que nous devenons lorsque s’éteint la sensation du passage en nous de cette ombre spacieuse. Nous-même et strictement nous-même est le rocher au sommet duquel s’assied le mort considérant sa vie passée.

    *

    L’autre côté du monde offre la même apparence que ce côté-ci du monde. La sensation seulement diffère.

    *

    Dans le temps tout se clôt, dans l’espace tout se délie.

    *

    Il y a des moments forts dans le cycle des saisons comme le chant du coucou à midi, dans la pleine chaleur de l’été ou le bruit d’ailes des insectes qui fendent l’air et s’enfuient. Assis face au soleil mais protégé par l’ombre des buissons, tu t’étires dans l’espace matriciel, parcelle de vie négligeable prise dans le coït étouffant du ciel et de la terre. »

     

    Claude Margat

    Daoren. Un rêve habitable

    Avec des encres de l’auteur

    La Différence, 2009

     

    Claude Margat est mort le 30 novembre 2018, à Rochefort où il était né en1945.
    Poète, peintre, romancer, essayiste, c’était un de ces êtres rares qui font que la vie est moins insupportable. C'est dire s'il manque déjà.

  • Jean-Luc Godard, « Le cinéma est fait pour penser l’impensable »

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    « Je n’ai pas le sentiment de savoir inventer, mais j’ai le sentiment de savoir trouver des choses, et de les assembler. Et je ne suis pas du tout gêné de faire n’importe quel film, avec n’importe quoi. Vous me proposez un lacet de chaussures et un ver de terre, vous me proposez un budget qui est conséquent par rapport à ces deux choses, et je fais le film. J’ai toujours eu le sentiment de faire le film qu’on me demandait, c’est-à-dire, d’être très sartrien : “L’homme est ce qu’il fait qu’on fait de lui. » Les films, c’est la même chose, je n’ai jamais rêvé de faire je ne sais quoi. Les citations ne me protègent pas, ce sont des amies. Ils ont créé des choses, pourquoi ne pas les utiliser. S’il y a des arbres, pourquoi ne pas les filmer. Si c’est une rue, si ce sont des gens, il faut en faire quelque chose. Ce n’est pas à moi, mais je peux en faire quelque chose. Il y a peut-être des droits d’auteur, on doit pouvoir les toucher, pourquoi pas ? Mais si on me demande : “Est-ce que je peux prendre un extrait, est-ce que j’ai le droit ?” Je réponds : “Non seulement tu as le droit mais tu as le devoir de le faire.” Un bout de phrase vous aide à en construire un autre. Je n’ai inventé ni le verbe, ni le complément. Alors je m’en sers. C’est une merveille que d’avoir quelques jolies phrases à sa disposition, de pouvoir siffler un air de musique, qu’il soit de Mozart, ou de Gershwin, c’est une vraie merveille de penser aux gens qui les ont faits. Et je ne vais pas citer toutes les références dans le générique, parce qu’à ce moment là, ça devient autre chose, ça devient une connaissance livresque. C’est en vieillissant que je commence à avoir des idées de films à moi. Alors je me dis tant mieux. Delacroix disait aussi qu’il ne connaîtrait la peinture que lorsqu’il n’aurait plus de dents. »

     

    Jean-Luc Godard

    Entretien avec André S. Labarthe, Strasbourg le 15 décembre 1994

    In Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard (tome 2, 1984-1998)

    Édition établie par Alain Bergala

    Cahiers du cinéma, 1998

     

    Bon anniversaire JLG