Salvatore Quasimodo, « Et soudain c’est le soir »
DR
« Chacun reste seul sur le cœur de la terre
percé par un rayon de soleil
et soudain c’est le soir.
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LE HAUT VOILIER
Quand venaient les oiseaux qui agitaient les feuillages
des arbres amers près de ma maison
(d’aveugles volatiles nocturnes
qui faisaient leur nid en perçant l’écorce)
je levais le front vers la lune
et je voyais un haut voilier.
Au bord de l’île, la mer était de sel ;
la terre s’étendait et d’antiques
coquillages luisaient accrochés aux rochers
de la rade plantée de citronniers nains.
Et je disais à l’amante qui portait en elle mon fils
et avait pour cela sans cesse la mer dans l’âme :
“Je suis fatigué de tous ces battements d’ailes
semblables à des coups de rame, et des chouettes
qui font hurler les chiens
quand le vent de lune souffle sur les bambous.
Je veux partir, je veux quitter cette île”.
Et elle : “Très cher, il est tard, restons”.
Alors je me suis mis lentement à compter
tous les reflets sur la mer
qui venaient frapper mon regard
sur le pont du haut voilier. »
Salvatore Quasimodo
Et soudain c’est le soir – poèmes 1920-1942
Traduit de l’italien et présenté par Patrick Reumaux
Librairie Élisabeth Brunet, 2005