Meng Jiao, « Songe d’automne »
« Le vieillard change du matin au soir
À osciller entre mourir et vivre.
Assis — un peu de vin — il se repose
Couché — mille visions le vide même.
La vue trop faible pour voir à la porte
L’ouïe trop fragile pour percer le vent.
Il est comme sa propre image peinte
Inapte à ressentir la même chose.
Tous les élans se sont finis en larmes
Mais il rêve une mort légère et blanche
Loin isolé de ses amis lettrés
Si proche des ermites des montagnes.
Ici le vert porte le deuil en jaune
Toute trace de vie est déjà loin.
Mais les saisons sans cesse se chevauchent
Mille songes bizarres se mélangent.
Au Sud jadis — léger — devant la mer
Au Nord — ici — pauvre — dans les rocailles.
Vieux souvenirs partis au gré des fleuves
La nostalgie d’un homme à son déclin
Attaché à l’automne du Sung-shan.
La houe ne suffit pas à le nourrir
Les habits de feuillage sont informes
Le tissu de poussière — irréparable.
Qui comprendra les poèmes anciens ?
Cachés dans les bambous démons et spectres
Le fer tranchant transformé en dragon…
Le lettré ambitieux a mille rêves
Mais la misère vient d’un cœur pervers
La poésie mène aux habits troués
Et là — près de mourir — toujours un gosse.
Faire de la musique — pas du bruit
Le bruit rend sourd écarte de la Voie
Ces mots sont un brasier au fond du cœur
On les écrits au sommet des montagnes. »
Meng Jiao, bien que plus âgé, était dans le cénacle de Han Yü (cf. le post précédent), où il avait la place de vieux sage sans aucune ambition politique.Ils ont beaucoup écrit ensemble.
Meng Jiao — 751-814
in Ombres de Chine
« Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »
Choix, traduction et commentaires : André Markowicz
Inculte / Dernière marge, 2015