Lambert Schlechter, « Piéton sur la voie lactée »
© cchambard
« à côté de mon oreiller, la nuit, j’écris :
voilà, il y a eu ce jour-ci, il se termine
jour printanier, soleil & ciel bleu
ce jour-ci, un jour de ma vie
viendra le jour de demain, j’y vais
encore un jour de ma vie
je ne sais si c’est le dernier
ou s’il y en aura encore mille
nuit me prend : dormir pour vivre demain
*
écrire pour préparer le terrain d’écriture
écrire encore ceci avant de commencer à écrire
écrire vite vite choses simples & banales
avant d’ouvrir la brèche vers les profondeurs
écrire vite vite les petits rien de la vie
afin de conjurer le grand tout du néant
écrire le frémissement de l’herbe
avant de thématiser le frisson de l’existence
balbutier encore & encore : je ne suis pas mort
*
quand les mots ne servent plus
à marchander les radis ou le bleu du ciel
quand les phrases renoncent
à commenter les tribulations du moi
quand le langage n’est plus utile à rien
sauf à baliser sans fin un domaine sans nom
quand les mots soudain te chaotisent
tout ce que tu croyais savoir & connaître
c’est ce que tu demandes au poème : du vertige »
Lambert Schlechter
Piéton sur la voie lactée – Petites parleries au fil des jours
Avec des dessins d’Anne Weyer
Phi, 2012
http://www.editionsphi.lu/fr/francais/353-schlechter-lambert-pieton-sur-la-voie-lactee.html