Thomas Hardy, « Deux poèmes pour Emma »
Emma & Thomas Hardy, 1885
« La voix
Femme fort regrettée, comme tu t’adresses à moi, à moi,
Disant que cette fois tu n’es plus comme autrefois
Quand tu avais changé d’état, toi qui étais tout pour moi,
Mais revenue comme avant, dans la fleur de notre âge.
Est-ce bien toi que j’entends ? Alors, donne-moi l’image
De toi plantée là quand j’approchais de la ville
Où tu m’attendais : oui, telle qu’en toi-même visible,
Jusqu’à la robe bleu azur d’origine !
Ou bien est-ce seule la brise qui, volage,
Voyage de par les prés mouillés jusqu’à moi ici,
Alors que tu es à jamais dissoute, pâle, insensible,
Inouïe pour toujours à travers le pays ?
Ainsi je vais ; d’un pas qui chancelle
Les feuilles tombant d’une pluie fine,
Le vent du nord coupant de par les aubépines,
Et la femme qui appelle.
Décembre 1912
Quelque chose a tapé
Quelque chose a tapé à la vitre de ma chambre
Sans la moindre présence
De vent ou de pluie, et j’aperçus dans l’obscurité
Le visage fourbu de ma Bien-aimée.
Elle dit ‘Ô je suis lasse d’attendre
Nuit, matin, midi, après-midi ;
Si froid fait-il seule dans mon lit,
Moi qui croyais que tu viendrais me surprendre !’
Je me levai et m’approchai de la fenêtre,
Mais elle en avait profité pour disparaître :
Seul, hélas, un pâle papillon de nuit
Tapait à la vitre en signe de vie.
août 1913 »
Thomas Hardy
Les poésies d’amour
Choix, traduction et postface de Jean-Pierre Naugrette
Circé, 2018
https://www.editions-circe.fr/livre-Les_Po%C3%A9sies_d_amour-493-1-1-0-1.html