Tao Yuangming, « Chant funèbre », en hommage à Jacques Pimpaneau
Tao Yuanming par Chen Hongshou
« Quand il y a la vie, il y a forcément la mort,
Même si le destin ne vous presse vers un fin précoce.
Hier soir, il était un homme comme les autres,
Ce matin, il figure au registre des fantômes.
Le souffle des âmes, vers où se disperse-t-il ?
Une forme morte est confiée à un cercueil vide.
Des enfants affectueux cherchent leur père en sanglotant,
Des amis chers vous caressent en pleurant.
Les gains et les pertes, je ne les connais plus,
Du bien et du mal, comment ne serais-je conscient !
Après mille ans, après dix mille ans,
Qui connaît votre gloire et vos humiliations !
Mon seul regret est qu’au cours de cette vie,
Du vin à boire, je n’ai pu avoir assez. »
Tao Yuangming, (Tao Qian) — 365-427
extrait de « L’œuvre de Tao Yuangming »
in Jacques Pimpaneau, Anthologie de la littérature chinoise classique
Philippe Picquier, 2004, poche 2019
Jacques Pimpaneau est mort ce 3 novembre à 87 ans.
Il m’a fait découvrir et aimer la littérature chinoise. Il fut secrétaire de Jean Dubuffet et très lié à Georges Bataille, il l’assista dans ses derniers instants jusqu’à son inhumation au cimetière de Vézelay – la marche entre la maison de Georges Bataille et sa tombe fut une de mes promenades préférées lors de ma résidence chez Jules Roy en 2016.
En 1972, il a créé le musée Kwok On à Paris, consacré aux Arts et traditions populaires d’Asie, qui a depuis quelques années trouvé refuge au musée de l'Orient à Lisbonne. Il a donné sa bibliothèque au fonds chinois de la bibliothèque municipale de Lyon.
Jacques Pimpaneau fut non seulement un grand connaisseur, un grand passeur et un grand traducteur de la littérature chinoise, mais il a écrit également quelques petites merveilles comme les Mémoires d’une fleur ou les Quatre saisons de monsieur Wu, et aussi une épatante Célébration de l’ivresse (on trouve tous ses livres chez Philippe Picquier). Son Anthologie ne quitte pas mon établi.
Je lève donc aujourd’hui ma coupe de vin à sa nouvelle vie de fantôme auprès de tous ceux qu’il a aimé et qu’il vient de retrouver — Tao Yuangming mais aussi nos amis Du Fu, Li Po, Shen Fu, Pu Song Ling, Wang Wei, Su Dungpo. Que leurs chemins soient parfumés et aussi doux que possible.
Commentaires
Merci cher Claude Chambard, pour ces instants précieux que vous nous faites découvrir et partager. J'avoue ne pas avoir lu Jacques Pimpaneau et je vais devoir me ruiner chez l'éditeur Philippe Picquier à cause de vous ! Vous lisant, je retrouve le nom de Jules Roy qui m'évoque aussi le souvenir de notre rencontre en compagnie d'Armand Guibert, un jour de septembre à Paris...
Revenez plus souvent, cher Claude, votre blog redonne lumière à des temps difficiles...!
Merci, cher Yves. Oui, les temps sont bien sombres et je pense à Dominique et à vous. Je vous embrasse