Tao Yuan Ming, « Promenade le long de la rivière Hsie »
L’année hsin yu, le cinquième jour du premier mois, le temps est doux, serein, le paysage paisible, splendide. Avec deux ou trois voisins ensemble nous nous promenons le long de la rivière Hsie. Au bord du long courant nous contemplons le Rempart étagé. Bientôt jaillissent les écailles des mulets et des carpes, c’est déjà le soir. Les mouettes chevauchant le vent voltigent, volent. La renommée de la Montagne du sud est maintenant très ancienne, inutile d’en faire encore l’éloge. Le Rempart étagé, sans lien autour de lui, sans continuation, majestueux seul surgit au milieu des champs inondés. De loin il rappelle la Montagne magique. J’aime son nom plaisant. Mais le regarder joyeusement ne me satisfaisant pas, aussitôt je me mets à composer un poème. Comme il est attristant que soleil et lune passent aussi rapidement et regrettable qu’on ne puisse retenir les années. Chacun de nous inscrit son âge, sa région et marque aussi la date du jour.
L’année vient de commencer, cinq jours déjà
ma vie bientôt se terminera,
y penser me trouble le cœur
aussi je profite du temps pour faire cette promenade
l’air est doux, le ciel serein
chacun à sa place nous nous asseyons au bord du long cours d'eau
le courant est lent, les beaux mulets nagent rapidement
dans la vallée vide les mouettes planent en criant
sur le vaste lac nous promenons notre regard
absorbés, nous contemplons le Rempart étagé
même s’il n’a pas la splendeur des Neuf étages,
si l’on regarde les environs, il est sans pareil
tenant le pot à vin je sers mes compagnons
les coupes remplies, chacun notre tour nous nous invitons à boire
ne sachant si, une fois aujourd’hui parti,
nous pourrons ou pas nous retrouver à nouveau ainsi
mi sobre mi ivre nous laissons notre sentiment errer au loin,
oubliant mille années de soucis
n’hésitons pas, épuisons la joie d’aujourd’hui
demain, à quoi bon nous en préoccuper ?
Tao Yuan Ming
L’homme, la terre, le ciel — enfin je m’en retourne
Traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren,1987
Excellente année du Dragon de bois à chacun.