Kathleen Jamie, « Les cerfs »
« Voici la multitude, les bêtes
que tu voulais me montrer, m’entraînant
en amont, toute la matinée, à travers la bruyère battue
par le vent, jusqu’à la crête de la colline.
Au-dessous de nous, dans le vallon voisin, voici
la calme et grave fraternité, descendue
pour échapper à l’hiver, pour échapper à la faim,
tous agenouillés comme les signataires d’un pacte ;
leurs lourdes ramures, polies à l’ancienne,
s’élèvent au-dessus de la végétation
comme les mâts d’un port, ou les tours d’une ville.
Nous sommes allongés l’un près de l’autre, et bien que le vent
chasse au loin nos odeurs de femme et d’homme, chaque
tête de cerf semble tournée vers nous — vers nous,
mais pas sur nous ; nous sommes tenus, et les tenons,
en respect mutuel. Je soupçonne que tu
espérais m’impressionner, me faire découvrir
notre pays commun, m’emmener plus loin
dans ce que tu sais, mais peu désireux
de susciter la peur, tu t’éloignes déjà
tranquillement, certain que je t’accompagnerai,
comme je le ferais maintenant, presque n’importe où. »
Kathleen Jamie
La révision
Traduit de l’anglais et de l’écossais par Christian Garcin
La Baconnière, 2024
https://editions-baconniere.ch/fr/catalogue/la-revision
Cette page est dédiée à Janet, dans l’île