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Mario Luzi, « Enfant, parc, cris »

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« Dans l’ultime senteur des jardins

déjà le laurier a péri mais une fête

rare exulte ou s’extasie sur les cimes,

cerclé de vertiges l’insecte

sillonne l’air qu’avivent les reflets

multiples venus de cités oubliées,

la route tisse l’ermitage enflammé,

l’eau absorbe l’éclat vitreux,

et brisée dans le labyrinthe pourpre court

ta voix perdue : “Viens, viens.”

Comment se fait-il qu’à ton impatiente invite,

la blessure dans l’être, refermée

par des larmes et des larmes, par le dur

refus toujours ouvert à l’aventure,

se remette à saigner, soit encore mon destin ?

Du géranium à la rose de septembre

ici l’année se répète en années indemnes,

un éclair glacial luit sur les feuilles,

le regard ronge l’aride lueur.

Mais ta voix appelle du fond des méandres,

il pleure, ton pas toujours plus solitaire.
Est-ce seulement à un écho, de cette façon si sensible,

que la mort qui nous parut déjà acquise

se renouvelle dans le vivant qui souffre,

ici où viennent encombrer le ciel

des myriades d’inexistences embrasées ?

À l’ombre que transperce ton appel

et au vide qui t’envahit, quelle offrande,

quelle promesse de paix ? quand apparaît

parfait le rien, le ciel se referme

en cercle derrière toi, les pas sonnent

là-bas, les mains tâtonnent dans la fumée ­—

il y a encore l’urgence de quelque chose de non accompli,

la parole indicible subsiste. »

 

Le décor est celui des jardins Boboli, à Florence, où le poète se promène à l'automne 1945 avec sa femme et son fils âgé de deux ans.

 

Mario Luzi, Poèmes épars

in Prémices du désert, poèmes 1932-1956

Traduit de l’italien et présenté par Jean-Yves Masson et Antoine Fongaro

Poésie, Gallimard, 2005

 

 

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