Joël Bastard, « Une cuisine en Bretagne »
© : Michel Durigneux
« Aujourd’hui, je le sais, je suis un écrivain contre ma volonté. La chose a grandi en moi sans que j’y prenne garde. Je ne sais rien de plus qu’hier. Ce sont les mots qui ont pris possession de mon corps. Rien de plus éphémère, à l’image de ce blanc sur lequel je m’appuie.
Ces textes méritaient-ils deux cigarettes et un verre de whisky à trois heures du matin dans une cuisine et dans le noir de l’océan qui flûte à ma fenêtre.
Je ne suis pas plus heureux que lorsque j’écris. Tout est là, le possible et l’impossible. Les absents que je peux inviter sur mon papier sans qu’ils ne le sachent. Les morts que j’utilise à toutes heures pour agrandir ma phrase. Je peux écrire tout à trac : regret, île, vagin, lumière, sourcils, fosse, encoignure, onde, amande, pierre, vague, fille, barbarie, souplesse, échange, crépuscule, chanson, avance, perte, sommeil, orgasme, silence, enfants, outils… Enfin, tous les mots du dictionnaire.
En fait, je fais ce que je veux, mais avec les mots des autres, donc ! Allons-y et faisons ce que nous pouvons.
Je ne souhaite rien d’autre que d’habiter mon chagrin.
Roland Barthes »
Joël Bastard
Une cuisine en Bretagne
Lanskine, 2016