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Blog - Page 6

  • Karine Marcelle Arneodo, « L’Entre-terre »

    karine marcelle arneodo,l'entre-terre,la barque

    © : Paolo Panzera

     

    « La chambre avait deux fenêtres qui se touchaient dans l’encoignure. Je le retrouvais tel qu’il se présenta au sortir de la forêt, le regard effaré, il portait sur la tête un chapeau de feutre jaune tout esquinté. Je compris qu’il avait plu le temps de son voyage et rapprochai les distances, mais n’eus pas le courage de demander, d’où il venait, tant sa fébrilité me faisait peur.

     

    Je ne sais qui de nous deux parla d’abord. Il me souvient qu’il se trouvait dans ce discours des bribes d’histoires vécues sans trop de chance. De son corps s’affaissant dans des vêtements de sable émanaient des relents d’ammoniaque qui tuaient la passion d’être en vie. Il parlait de son sexe et disait qu’il fallait que je suce. Je pressentais qu’une douleur inavouable se cherchait un terroir.

     

    Parce qu’on voulait ouvrir la porte et dérober le grain, j’allais dans l’encoignure des fenêtres renforcer la digue. Quand je me retournais, il était allongé sur le lit au milieu des essences et de la verdure avec ses cheveux noirs tout raides à ses côtés. Il était nu, et sur sa peau des tatouages amérindiens figuraient la voûte étoilée du ciel. Mes yeux se posèrent naturellement sur la chose, et c’est alors que je vis, en place de son sexe, une inoffensive fente imberbe. »

     

    Karine Marcelle Arneodo

    L’Entre-terre suivi de Le moins possible ou le suffisamment

    Postface Olivier Gallon

    La Barque, 2017

    http://www.labarque.fr/

  • Annie Ernaux, « Mémoire de fille »

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    DR

     

    « J’ai rêvé cette nuit d’un grand autocar transportant des écrivains, beaucoup. Il s’est arrêté dans une rue, c’était devant l’épicerie de mes parents. Je suis descendue parce que c’était “chez moi”. J’avais la clé. Un instant j’ai craint qu’elle ne puisse ouvrir la porte. Je savais qu’il n’y avait plus personne à l’intérieur. Les volets en bois de la devanture et de la porte étaient mis. La clé a tourné dans la serrure à mon grand soulagement. Je suis entrée. Tout était comme dans mon souvenir, dans la demi-pénombre des dimanches après-midi, avec comme seule source de lumière la seconde devanture donnant sur la cour, obscurcie en été par une tenture de toile bariolée. Au réveil, j’ai pensé que seul l’être, ou le moi, présent dans ce rêve, était à même d’écrire la suite et qu’écrire la suite serait se situer dans ce défi au bon sens, cette impossibilité là.

    Mais à quoi bon écrire si ce n’est pour désenfouir des choses, même une seule, irréductible à des explications de toutes sortes, psychologiques, sociologiques, une chose qui ne soit pas le résultat d’une idée préconçue ni d’une démonstration, mais du récit, une chose sortant des replis étalés du récit et qui puisse aider à comprendre – à supporter – ce qui arrive et ce qu’on fait. »

     

    Annie Ernaux

    Mémoire de fille

    Gallimard, 2016

  • Pour maman

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    © : cchambard

     

    « On entre seul chez ceux qui furent.

    Aucun cortège n’entre avec celui qui est mort dans le monde des morts qui n’est pas un monde

    et la lamentation funèbre qui le pleure n’est même plus un bruit pour ses oreilles.

    Celui-là qui jadis partit était aussi seul à quitter la lumière que celui qui déjà s’apprête à s’en aller, suffoquant à mourir dans le jour qu’il découvre.

    Il faut dire de la mort : port terrible où on s’embarque seul

    sur ce qui sombre

    pour ce qui sombre. »

     

    Pascal Quignard

    « Sur la solitude »

    in Sur l’idée d’une communauté de solitaires

    Arléa, 2015

     

  • Maurice Darmon, « La forêt des dames, le cinéma de Marguerite Duras 1964-1972 »

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    DR

     

    « […] que cherche précisément Marguerite Duras du côté du cinéma ? Qu’en attend-elle en 1969 ? Que quitte-t-elle avec son dernier film, Les enfants, en 1985 ?

    Déjà, ses premières clés :

     

    J’avais fait un livre très rapidement ; c’est à dire qu’après avoir pensé à ce livre pendant un an, j’ai fait le livre en une semaine, dans des conditions mentales très difficiles, c’est-à-dire que c’est un livre qui m’a beaucoup angoissée et je ne le connaissais que très peu. J’ai eu envie de connaître mieux ce livre, donc de le voir et de l’entendre.*

     

    Marguerite Duras n’est certainement pas la seule à mal connaître son propre roman. L’avalanche de dialogues et de tirets et sa petite musique emportent le lecteur dans une sorte d’indifférence à ce qui se passe et à qui parle pour se laisser faire par ce qui se dit. Mais comme son auteur, le lecteur éprouve bientôt la nécessité de “connaître” ce livre, qui, dès l’ouverture, livre ses marques originelles, celles d’un scénario :

     

    Temps couvert.

    Les baies sont fermées.

    Du côté de la salle à manger où il se trouve, on ne peut pas voir le parc.**

     

    L’auteur et son lecteur savent qu’en réalité un film impose là sa dictée. Elle ne connaissait pas son livre, elle naissait plutôt de lui, et la nécessité d’une figuration concrète, “de le voir et de l’entendre” s’imposait. Avec la force de ce qu’elle nomme “l’envie”. Tourner un film, c’est forcément livrer corps, voix et visages à chaque mot, à chaque réplique ; c’est abandonner toute leur place et leur durée aux espace et aux silences. Voir et entendre : qu’est-ce que le cinéma, sinon des images et des sons ? sinon reconnaître le geste documentaire comme un épicentre dans le tremblement des lumières et des bruits ? »

     

    * Entretien à la télévision canadienne du 7 décembre 1969

    ** Détruire dit-elle, Minuit, 1969

     

    CouvTome1+-+copie.jpgMaurice Darmon

    La Forêt des dames. Le cinéma de Marguerite Duras, 1964 – 1972

    (Sans merveille, la Musica, Détruite dit-elle, Jaune le soleil, Nathalie Granger

    202 éditions, 2015

    http://202editions.blogspot.fr/

  • David Antin, « Poèmes parlés »

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    © : Christopher Felver/Corbis)

     

    « de temps à autre

    de mystérieux coups le faisaient sursauter

    il serait cloué sur place sous un porche

    verrait une scène de désordre

    elle lui disait sur un ton de confidence

    “maintenant c’est mon tour de me cacher”

    c’était un jeudi

    il écrasa la bouteille sous son talon

    il sortit son couteau de poche et ameublit la terre

    il se leva et brossa les genoux de son pantalon

    elle emporta le plateau

    elle plaça le bol sur le lit

    elle n’arrêtait pas de revenir à son sexe

    une blancheur douteuse

    “quand tu auras fini l’école”

    “tu auras ta licence de droit”

    “nous te la donnerons”

    “mais j’aimerais aller en Allemagne”

    “tu dois aller en Angleterre et en France”

    il s’agenouilla sous l’arbre

    il dormit quelque temps

    il se rappela le verre bleu

    il sortit du porche

    nu-tête

    il accomplit des actions

    avec le sens de l’austérité

    tout de même

    il devait y avoir du sens

    dans cette folie

    seulement

    il n’était pas en état

    de le découvrir »

    David Antin

    « Novel Poem IX», traduit par Denis Dormoy

    in Poèmes parlés

    Traduits de l’américain par

    Jacques Darras, Jacques Demarcq,

    Denis Dormoy & Jacques Roubaud

    Coll. « Les cahiers de Royaumont »,

    éditions Les cahiers des brisants, 1984

     

    David Antin, né le 1er février 1932,

    est mort le 12 octobre 2016.

  • Lucrèce, « De la nature »

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    Les nuages

     

    « Les nuages se forment quand maints atomes voltigeant

    dans les hauteurs du ciel se rassemblent soudain :

    hérissés de manière à s’entraver faiblement

    mais suffisamment pour se tenir comprimés,

    ils composent d’abord de petites nuées

    qui se réunissent, s’agrègent entre elles,

    par leur union s’accroissent et s’envolent aux vents

    jusqu’à l’instant où se déchaine la tempête.

    Il se trouve aussi que les sommets des montagnes,

    plus ils avoisinent le ciel, plus leur hauteur exhale

    assidûment l’épaisse fumée d’un nuage fauve ;

    car, lorsque les nuées commencent à se former,

    avant que l’œil puisse les voir, ténues, les vents

    les portent et les assemblent au plus haut de la cime.

    C’est là qu’enfin réunies en troupe plus nombreuse

    et plus dense elles peuvent apparaître tout à coup,

    s’élançant du pic montagneux dans l’empyrée.

    Que les sommets s’offrent au vent, l’expérience sensible

    nous le prouve quand nous escaladons une haute montagne.

    Et puis la nature prélève sur toute la mer

    maints éléments, comme le montrent sur le rivage

    les linges suspendus qui prennent l’humidité.

    Il est d’autant plus clair que pour accroître les nuages

    maints atomes peuvent surgir du flux salé de l’océan :

    il existe une parenté entre les deux humeurs.

    Et de tous les fleuves ainsi que de la terre même

    nous voyons des brumes et des vapeurs surgir :

    comme leur haleine expirée, elles s’envolent bien haut,

    dispersent leur ténèbre, obnubilant le ciel

    à mesure qu’elles se fondent en nues altières.

    Car la chaleur de l’éther étoilé ajoute sa pression

    et, comme les condensant, voile l’azur de leur nimbe.

    Il arrive aussi que le ciel reçoive de l’extérieur

    les atomes qui forment nuées et nuages volants.

    Innombrable est en effet leur nombre, infini

    l’ensemble de l’espace, comme je l’ai montré.

    Quelle vitesse anime le vol des atomes, quelle distance

    impensable ils franchissent d’un trait, je l’ai montré.

    Il n’est donc pas étonnant qu’en peu de temps, souvent,

    la tempête et les ténèbres couvrent de si grandes nuées

    les mers et les terres, d’en haut les oppressant,

    puisque de tous côtés, par tous les pores de l’éther,

    par des sortes de soupiraux autour du vaste monde,

    la sortie et l’entrée s’offrent aux particules. »

     

     Lucrèce

    De rerum natura — De la nature

    Traduction et présentation par José Kany-Turpin

     (Cette traduction a obtenu, en 1993, le prix Nelly Sachs, décerné en Arles par les Assises de la Traduction)

    Aubier, 1993, Garnier-Flammarion, 1997

  • Michel de Montaigne, né le 28 février 1533, « Carnet de voyage »

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    « Le 6 de mars, je fus voir la librairie du Vatican, qui est en cinq ou six salles tout de suite. Il y a un grand nombre de livres attachés sur plusieurs rangs de pupitres ; il y en a aussi dans des coffres qui me furent tous ouverts ; force livres écrits à la main, et notamment un Sénèque et les Opuscules de Plutarque. J’y vis de remarquable la statue du bon Aristide, avec une belle tête chauve, la barbe épaisse, grand front, le regard plein de douceur et de majesté : son nom est écrit en sa base très antique ; un livre de Chine, le caractère sauvage, les feuilles de certaine matière beaucoup plus tendre et pellucide que notre papier ; et parce qu’elle ne peut souffrir la teinture de l’encre, il n’est écrit que d’un côté de la feuille, et les feuilles sont toutes doubles et pliées par le bout de dehors où elles se tiennent. Ils tiennent que c’est la membrane de quelque arbre. J’y vis aussi un lopin de l’ancien papyrus, où il y avait des caractères inconnus : c’est une écorce d’arbre. J’y vis le bréviaire de saint Grégoire, écrit à main : il ne porte nul témoignage de l’année, mais ils tiennent que de main à main il est venu de lui. C’est un missel à peu près comme le nôtre, et fut apporté au dernier concile de Trente pour servir de témoignage à nos cérémonies. J’y vis un livre de saint Thomas d’Aquin, où il y a des corrections de la main du propre auteur, qui écrivait mal, une petite lettre pire que la mienne. Item, une Bible imprimée en parchemin, de celles que Plantin vient de faire en quatre langues, laquelle le roi Philippe a envoyée à ce pape, comme il dit en l’inscription de la reliure ; l’original du livre que le roi d’Angleterre composa contre Luther, lequel il envoya, il y a environ cinquante ans, au pape Léon Xe, souscrit de sa propre main, avec ce beau distique latin, aussi de sa main :

    Anglorum rex Henricus, Leo decime, mittit

    Hoc opus, et fidei testem et amicitiœ

    Je lus les préfaces, l’une au pape, l’autre au lecteur : il s’excuse sur ses occupations guerrières et faute de suffisance ; c’est un langage latin bon pour scolastique.

    Je la vis sans nulle difficulté ; chacun la voit ainsi et en extrait ce qu’il veut ; et est ouverte quasi tous les matins ; et si fus conduit partout et convié par un gentilhomme d’en user quand je voudrais. M. notre ambassadeur s’en partait en même temps sans l’avoir vue, et se plaignait de ce qu’on lui voulait faire faire la cour au cardinal Charlet, maître de cette librairie, pour cela ; et n’avait, disait-il, jamais pu avoir le moyen de voir ce que Sénèque écrit à la main, ce qu’il désirait infiniment. La fortune m’y porta, comme je tenais ce témoignage, la chose pour désespérée. Toutes choses sont ainsi aisées à certains biais et inaccessibles par autres. L’occasion et l’opportunité ont leurs privilèges, et offrent souvent au peuple ce qu’elles refusent aux rois. La curiosité s’empêche souvent elle-même, comme fait aussi la grandeur et la puissance. »

     

    Michel de Montaigne
    Journal de voyage

    Arléa, 1998

  • Notes à tout faire

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    Continuant ma lecture de la correspondance de Walser (chez Zoé), je commence ma note pour CCP :


    Sur les 750 lettres retrouvées de Robert Walser, 266 sont ici traduites en français par Marion Graf qui commence à avoir un bon nombre d’excellentes traductions de son vieux maître à son actif chez la remarquable madame Zoé. Nous ne pouvons que les louer pour ce précieux travail. Pour aller vite, on trouve trois types de lettres dans cet ensemble : celles que Walser envoie pour la publication de ses textes et/ou toucher quelques sous, les lettres à sa famille, les lettres à Flora Ackeret, Frieda Mermet et Thérèse Breitbach qui sont trois femmes qu’il a sans nul doute aimées, « Lorsqu’on s’écrit, c’est comme si on se touchait avec tendresse et délicatesse* ».

     

    Puis je copie :

     

    « Bienne, mars 1905**

     

     Chère Madame Ackeret,

     

    J’ai enfilé un vieux pantalon et je me sens en droit d’écrire des lettres dans le monde entier. Le monde entier ! entre vous et moi, il y a un monde. Papa est entre nous, et la vie de papa représente certainement un monde.

    Il y a deux escaliers entre nous, et les escaliers sont un monde. La rampe des escaliers : combien de personnes s’y sont tenues, de combien de mains peut-elle parler, non pas parler, se souvenir. Cette lettre n’arrivera jamais par la poste, elle ne saurait coûter ni 10, ni 5, ni 25 centimes, et pourtant, ne fera-t-elle pas aussi son chemin ? Je la mettrai dans ma sacoche de la poste, je ferai moi-même pour ce courrier important l’employé de poste, de train, de poste, et en plus le facteur***. Que cette démultiplication me réjouit et me rend fier. Donc, deux mondes ! Deux escaliers, deux hommes, une lettre, de la neige dehors, un regard pour la bêtise, un soupçon d’éternité. C’est quand je fais des bêtises, que je donne l’impression d’être le plus supportable. Il neige, et : le printemps n’allait-il pas venir, déjà. Il le voulait ! Porte-toi bien,

     

    Un impertinent !

     

    Post-scriptum :

    Il n’est pas facile de mériter des printemps

    (Adieu)            Le même, qui s’incline bien bas !

    Qui accepte les rodomontades ! »

     

    à suivre…

     

     

     * Lettre à Frieda Mermet, Bienne, mars ? 1914

     ** La lettre, un courrier interne , est adressée à « Flora Ackeret. Dans le monde inférieur » ; sur l’enveloppe, un timbre dessiné de la main de Walser porte l’inscription : « Vient de très loin ».

     *** Cette scène d’une étrange correspondance à l’intérieur d’une maison sera transformée et reprise dans « Marie », la prose centrale de Vie d’un poète (1917)

     

  • Notes à tout faire

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    Sepolcro dei Pancrazi Rome

     

    Depuis quelques jours, en parallèle aux nombreux livres de poésie que je dois lire pour les chroniquer, lecture de la Correspondance de mon cher Robert Walser — Lettres de 1897 à 1949 —, lettres au cœur même de son travail c’est une évidence. La lettre, la carte postale, en un mot : la correspondance, sont une de mes préoccupations depuis belle lurette aussi. J’y reviendrai.

     

    Quelques bribes de notes à paraître à l’automne dans CCP :


    Voici un livre qui est la preuve simple que la poésie quand elle est juste poursuit le dialogue entre morts & vivants. Ainsi : « Il remit des yeux aux statues aussi longtemps qu’il le put. » [à propos de Le Dernier mot, organisé & présenté par Ana Rodríguez de la Robla suivi de Les Préceptes de la fin par Alberto Manguel, traduit du latin par Denis Montebello & de l’espagnol par François Gaudry, Coll. Le Cabinet de lecture, L’escampette]

     

    Armand Dupuy tire la langue aux phrases toutes faite, il l’étire comme on tire la pâte pour donner le gâteau le plus fin, le plus léger, le plus goûteux, pour mieux taire ce qui résonne dans sa poésie & qu’il faut donc aller chercher à bout de sens — de contre sens — car — sans hésiter à fractionner le poème, le vers, la ligne — « ce que l’on cherche s’en va dans le mot », car « triste et vrai le silence de ma tête », car « personne ne l’entend », car « tout rate en langue ». [Armand Dupuy, Mieux taire, gravures de Jean-Michel Marchetti, préface de Bernard Noël, Coll. Écri(pein)dre, Æncrages & Co.]

     

    Deux volets d’une tentation chinoise. D’abord une approche sensuelle, intime de la sublime Li Ts’ing-tchao (Li Quingzhao) — dont on lira avec profit Les Fleurs du cannelier —, qui pourrait bien être cette jeune fille qui accompagne Victor Segalen dans le second texte : « Ce que je sens, au plus profond de mon corps, ce sont les mots mesurés avec les lèvres de chair de la jeune fille pure que vous avez caressée […] sa chair dont ni vous, ni moi n’avons oublié le goût, nous en connaissons l’ombre. » Tribu pour le poète voyageur, cadencé de la première à la dernière ligne d’une prose pure et vive, comme si Perche voulait conjurer l’absence — l’oubli — de Segalen. [François Perche, Nocturne pour V.S précédé de Obscurs parmi les ombres, Rougerie]


    Claude Chambard, ce 3 juillet

     

  • Acheter en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir localement l’emploi, l’économie et la culture.

    27 juin  2012

     

    COMMUNIQUÉ  DU SYNDICAT DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE

     

    L’EMPLOI,  C’EST EN LIBRAIRIE


    Face à la  déferlante médiatique autour de l’implantation d’une troisième plate-forme  d’Amazon en Bourgogne, le Syndicat de la librairie française tient à rappeler  quelques données :
     
    - face aux  150 à 250 emplois permanents réellement créés par Amazon, la vente de livres  génère en France plus de 20.000 emplois dont 14.000 dans les seules  librairies indépendantes (rapport de branche 2011 I+C) ;
     
    - à  proportions égales, la librairie indépendante représente une activité qui  génère deux fois plus d’emplois que dans les grandes surfaces culturelles,  trois fois plus que dans la grande distribution et, selon les chiffres de la  Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)*, 18 fois plus  que dans le secteur de la vente en ligne !

    - la  librairie est un commerce humain qui mise sur des femmes et des hommes  qui aiment les livres, les défendent et les connaissent comme ils connaissent  leurs clients « en chair et en os » ;
     
    - pour  l’ouverture de sa plate-forme, Amazon a bénéficié d’aides publiques  conséquentes alors qu’un rapport sur « l’impact du développement d’Internet  sur les finances de l’Etat », disponible sur le site du Sénat, confirme  qu’Amazon, en rapatriant l’essentiel de son chiffre d’affaires au  Luxembourg (905 M€ sur 930 M€) échappe pratiquement totalement à l’impôt en  France. Il s’agit d’une concurrence déloyale au détriment des commerces  indépendants et de proximité qui génèrent bien plus d’emplois tout en  s’acquittant de leurs obligations légales.
     

    Acheter  en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir  localement

    l’emploi,  l’économie et la culture.

     


    Contact  presse : Guillaume Husson (01 53 62 23 10 ;g.husson@syndicat-librairie.fr <mailto:g.husson@syndicat-librairie.fr> )

    *  Selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le  commerce en ligne représente, tous produits et services confondus, un chiffre  d’affaires de 31 milliards d’euros pour 34 000 emplois directs (informations  disponibles sur le site de la FEVAD :http://www.fevad.com <http://www.fevad.com> ).

     

  • Denis Montebello : note sur "carnet des morts"

        Hui: une adhésion au jour mais timide, vaguement réticente. C‘est ainsi qu‘un ami dit oui, le libraire des Saisons à La Rochelle, un oui que j‘entends comme une trace, comme si l‘Argonne revenait avec lui et avec sa forêt, la grande forêt d‘enfance dont il fera, lui qui ne la connaît que par ouï-dire, sa guerre, qui écrira ses Pastorales de guerre.

         Lire et cueillir c‘est tout un, et c‘est ce que fait Claude Chambard dans son carnet des morts, il cueille les traces, les recueille, il met ses pas dans des vestiges, ses mots.  Ce sont les mots de l‘enfant : de celui qui ne parle pas et que le poète, des années après, essaie de rejoindre dans sa forêt.

         « J‘ai couru vers l‘enfant. Dans la forêt. Dans la forêt en travail.

           Dans la scène oubliée où j‘ai appris à écrire.

           Quittant mon père pour écrire.

           Écartant ma mère pour écrire.

        J‘ai couru vers l‘enfant qui courait vers l‘école. »

         Le temps retrouvé a parfois un goût délicieux, ou c‘est la boîte de Coco, cette « petite boîte métallique, ronde, qui contient une poudre marron clair ou jaune foncé (je ne parviens pas à me décider)  ou un coquillage orange ou fraise  que je lèche avec application »  qui réveille les années d‘or : de souffrance. Ces figures qu‘on disait absentes du paysage. Ce Grandpère qu‘on croyait à jamais enfoui avec ses phrases.

         « Je puis me souvenir, sans nostalgie, du temps où nous étions autre chose. »

         C‘est ce qu‘écrit Claude Chambard.

        C‘est aussi ce que se dit le lecteur ce carnet refermé. Quand il songe à ces routes qu‘il ouvre, à toutes ces routes qui ouvrent à la grande forêt.

    Denis Montebello, 2 septembre 2011

     

    Claude Chambard

    cdm jpg.jpgcarnet des morts

    15x19,5 ; 112 p. ; ill. ; 14 €

    Dessin de couverture : François Matton

    isbn : 978.2.915232.72.1

    le bleu du ciel

    BP 38 — 33230 Coutras

    05 57 48 09 04

    bleuduciel@wanadoo.fr

     

     

    & aussi sur le même livre les chroniques de

    Anne Françoise Kavauvea :

    http://annefrancoisekavauvea.blogspot.com/2011/06/carnet-des-morts-claude-chambard.html

    & d'Éric Bonnargent :

    http://anagnoste.blogspot.com/2011/07/claude-chambard-carnet-des-morts.html


  • Deux extraits du "carnet des morts"

    sur Poezibao : http://poezibao.typepad.com/poezibao/2011/04/anthologie-permanente-claude-chambard.html

     

    sur Littérature de partout : http://litteraturedepartout.hautetfort.com/archive/2011/04/08/claude-chambard-carnet-des-morts.html

     

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    quelques livres dans la vitrine de la librairie Mollat