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Chine - Page 3

  • Lu Zhaolin, « Le dur voyage »

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    « Quand vous sortez par le nord de Chang An

          pas loin du pont qui enjambe la Wei1

    Ne voyez-vous cet arbre sec et nu

          abattu dans un champ laissé en friche ?

    Aux jours anciens il s’inondait de rouge

          et puis le rouge devenait du pourpre.

    Les brouillards de l’hiver s’y attardaient

           il retenait les brumes de l’été.

    Sous le vent du printemps sous la lumière

          ses fleurs étaient d’une blancheur de neige

    Un bruit constant — des chars ornés de jade

           des palanquins de bois aromatique

    Vit-on jamais passer un voyageur

          qui oubliât d’en casser un rameau ?

    Vit-on jamais une belle chanteuse

           passer sans en briser une brindille2 ?

    Dragons brodés sur les robes des belles

          perles sur le bandeau de leur poitrine

    Et selles argentées des jeunes nobles

          des milliers qui passèrent devant lui.

    Dans ses fleurs une à une les orioles

          dissimulaient pudiques leurs chansons.

    Les merlebleus y venaient couple à couple

           ils jouaient là avec leur tout-petits.

    Ses branches longues d’un millier de pieds

          ses frondaisons larges d’une centaine.

    On voyait sous ses feuilles de corail

          se réfugier les canards mandarins3

    Et les phénix qui nichaient dans cet arbre

          élevaient d’âge en âge leur lignée.

    Les nids tombèrent les rameaux cassèrent

          et les phénix ont fui vers d’autres cieux.

    Des rameaux secs on vit tomber les feuilles

          livrées à tous les vents qui s’agitaient.

    Un beau matin il s’est retrouvé nu

          et plus personne n’est venu à lui.

    Il entre dans l’éternité des ruines

          cela qui peut se le représenter ?

    Dans notre vie nos désirs et nos gloires

          tout est soumis au temps qui se déroule.

    Passés en un éclair en cet instant

          se reposer sur eux est impossible.

    Quelqu’un peut-il arrêter le soleil

          quand il passe au-dessus des Monts de l’Ouest ?

    Quelqu’un peut-il arrêter le courant

          quand il s’écoule vers les mers de l’Est ?

    Sur les tombes des Hans les arbres poussent

          comme ils recouvrent le pays des Qin4.

    Tous ils arrivent passent disparaissent

          tous méritant une lamentation.

    Depuis toujours chaque année les grands princes

          ont ramassé des montagnes de riz.

    Et chacun d’eux prévoyait que sa gloire

          devrait briller jusqu’à la fin des temps.

    Où voyez-vous leurs lèvres écarlates

          où à présent la beauté de leurs traits ?

    Qu’entendez-vous à part les sources jaunes5

          et les buissons d’épines de leurs tombes ?

    Un jour viendra votre or vos zibelines

          seront vendus pour acheter du vin

    Les fleurs flocons de jade se répandent

          en mille et mille pièces dans le vent.

    Ce qui est dit est adressé à vous

          qui officiez dans les palais des dieux.

    C’est au moment où votre vie bascule

          que vous verrez qui sont vos vrais amis :

    Ne violez pas l’enceinte du palais

          restez loin de l’entrée du Dragon Bleu.

    Ce que soi-même on a de mieux à faire

           c’est de se retirer dans la montagne.

    Toujours les cieux les îles immortelles

          aucun espoir — trop haut beaucoup trop loin.

    Quand pourrons-nous nous retrouver encore

          liés si pleinement de cœur à cœur ?

    Vivre comme a vécu le roi Yao

          aussi longtemps que lui et aussi sage6.

    Être Yü être Ch’ao vivre en ermite7

          ne plus jamais quitter leur vie à eux. »

     

    1. La wei est la rivière qui coule à Chang An.

    2. Dans la tradition chinoise, on casse une brindille de saule au moment de l’adieu

    3. Les canards mandarins sont associés à l’amour conjugal.

    4. La dynastie des Hans avait succédé à celles des Qin qui avaient fondé l’Empire chinois.

    5. Les sources jaunes sont le séjour des morts

    6. Ce roi mythique, modèle antique de la sagesse, passe pour être monté sur le trône à l’âge de vingt ans et être mort âgé de cent dix-neuf ans.

    7. Yü et Ch’ao sont deux ermites mythiques. Ch’ao-fu, surnommé « le père au nid » vivait dans un arbre pour ne pas vivre avec les hommes. Hsü Yu s’est lavé les oreilles quand on lui a demandé de gouverner le monde.

     

    Lu Zhaolin — 634-684

    in Ombres de Chine

    « Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »

    Choix, traduction et commentaires : André Markowicz

    Inculte / Dernière marge, 2015

    https://inculte.fr/produit/ombres-de-chine/

  • Li Shang-yin, « Lune d’automne »

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    « Sur le bassin et derrière le pont

    Elle l’inoubliable l’adorable.

    Le rideau s’ouvre lumineuse nuit.

    Rouler la natte — c’est le froid qui pointe.

    Où la lumière coule — fleurs d’eau vive

    Où luisent ses rayons — arbres-nuages.

    Cheng E* sans rouge aux joues sans sourcils peints

    Se montre fière dans sa vraie nature. »

     

    * Personnage de la mythologie chinoise Cheng E, épouse de l’Archer Céleste Yi, est la déesse de la Lune. Leur histoire est très belle & très triste. (Note du blogueur)

     

    Li Shang-yin — 812-858

    in Ombres de Chine

    « Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »

    Choix, traduction et commentaires : André Markowicz

    Inculte / Dernière marge, 2015

    https://inculte.fr/produit/ombres-de-chine/

  • Po Chü-i, 3 poèmes sur la vieillesse 

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    « Sur la vieillesse, envoyé à Meng-té*

     

    Nous voici tous les deux dans la vieillesse.

    La vieillesse comment la définir ?

    On voit trouble on se couche le premier

    Parfois on sort on s’appuie sur sa canne

    Sinon on est cloîtré à la maison.

    On se détourne d’un miroir trop neuf

    On ne lit plus que les gros caractères.

    On pense aux vieux amis de plus en plus

    On ne fait rien de ce que font les jeunes.

    Une passion nous reste – bavarder

    On s’y adonne quand on se retrouve.

     

    * Meng-té est le deuxième nom d’un des amis les plus proches de Po Chü-i, Liu Yü-xi (772-842)

     

    Ému par ma vieille barque de Suzhou*

     

    Les poutres peintes se sont abîmées

                      et la fenêtre rouge tient à peine.

    Je reste assis au bord de mon bassin

                      je le regarde du matin au soir.

    La barque de Suzhou que je gardais

                      a eu le temps elle aussi de pourrir.

    Si nous en sommes là par quel miracle

                      mon corps pourrait-il être mieux portant

     

    * Po Chü-i avait été victime d’une attaque cérébrale qui l’avait laissé à moitié paralysé

     

    Fin de l’année

     

    Fin de l’année vieil homme aux cheveux blancs

    Ses compagnons – neuf sur dix dans la tombe.

    Tant pis son corps malade il le supporte

    C’est mieux que pas de corps à supporter. »

     

    Po Chü-i (Bai Juyi) – 772-846

    in Ombres de Chine

    « Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »

    Choix, traduction et commentaires : André Markowicz

    Inculte / Dernière marge, 2015

    https://inculte.fr/produit/ombres-de-chine/

  • Li Po, « Neuvième jour du neuvième mois »

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    « aujourd’hui les nuages et le paysage sont superbes

    les eaux sont vertes, les montagnes d’automne lumineuses

    j’ai emporté un pichet de vin Nuées des immortels,

    et cueilli des chrysanthèmes épanouis dans le froid

    l’endroit est retiré, au milieu de pins et de rochers antiques

    le vent clair se lève, résonnent la soie des cordes et le bambou des flûtes

    je regarde dans ma coupe le reflet de mon visage réjoui

    riant seul, à nouveau je me sers

    ivre mon bonnet tombe, la lune au-dessus de la montagne

    nonchalant je chante, songeant aux parents et aux amis »

     

    Li Po

    Buvant seul sous la lune

    Traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1999, réédition 2018

    https://moundarren.com/livre/li-po/