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Écrivains - Page 77

  • Jacqueline Cahen

    images.jpgSon compagnon, Jean-Pierre, vient de m'apprendre  le décès de notre amie Jacqueline Cahen. C'est une terrible nouvelle et chacun qui la connaissait ne peut qu'être effondré.

    Poète, et traductrice, Jacqueline Cahen vivait à Paris et à Belle-Île-en-Mer où ses cendres sertont dispersées après une cérémonie qui accompagnera la crémation au cimetière du Père-Lachaise à Paris, le 4 février à 14 h.

    Créatrice en 1979 avec Jean-Jacques Lebel de Polyphonix, collectif d’artistes, elle organisait des festivals de poésie-musique-vidéo-performances dans le monde entier. Elle a travaillé et fait de nombreuses performances en France et en Europe, seule et avec des musiciens.

     

    Mer haute                       Marée descendante

     

    Un autre jour est né

    de la dispersion des ordres élémentaires

    Après disparition des remous

    d'eaux grises

    opaques et salées

    un ciel immobile s'est installée

    couvrant des corps bien au-delà de notre vision

    Du point unique où je me tiens

    les angles sont nuls

    et je sais que les vagues n'atteindront plus mes pieds

    D'une lunaison l'autre

    l'oubli passe    Un frisson

    notez-en le pourquoi

    (L'écume de mer est un bois dit-on

    mais il me semble que l'on ment)

    Le ressac vide le sable d'eau

    Du bruit toujours     Pas

    d'oiseaux

     

    Et l'émotion naît d'on ne sait où

     

    in L'immédiat labile, Polyphonix/Nèpe, 2007

     

    Elle a avait publié :


    L’immédiat labile, poèmes accompagnés de dessins de Jean-Jacques Lebel, éd. Polyphonix/Nepe, mars 2007

    Scènes de crime, éd. ADN, Suisse, 2005

    Polyphonix 25 ans, collectif, Flammarion/Léo Scheer, 2004

    Les blasons du corps féminin, collectif, Spectres familiers, 1993

    Les maux par les mots, avec Marie-Rose Lefèvre, Mercure de France, 1989

    Impressions graphiques avec illusion d’optique – Livre-objet avec Sophie Boursat




     

  • Dans ma maison sous terre

    images-1.jpgChloé Delaume
    Dans ma maison sous terre
    14x20,5 ; 216 p. ; 17 €
    isbn : 978.2.02.098302.0
    Éditions du Seuil, coll. Fiction & Cie, dirigée par Bernard Comment.

    B5, il y a la mère et le grand-père par-dessus.
    Autour de cette tombe, Chloé Delaume bâtit un livre dur et net. Loin des emballements de langue des débuts avec ses deux grandes réussites – les Mouflettes d’Atropos et le Cri du sablier, tous deux initialement aux regrettées éditions Farrago et repris aujourd'hui en Folio –, elle a creusé jusqu’à l’os, jusqu’à la mâchoire, et la langue est à vif, juste, juste avant, juste après, juste maintenant, au présent de la narration.
    Un projet : écrire un livre qui tuera Mamie Suzanne, la langue doit bien y parvenir, puisque « je n’ai que l’écriture comme moyen de résistance ».
    Elle arpente les allées du cimetière avec Théophile, tout à la fois, compagnon discret, fantôme bienveillant, psychanalyste  – quand on est psychotique on ne fait pas d’analyse, on prend de l’Abilify par exemple –, psychanalysé, transfert, écrivain raté… une bonne béquille pour faire avancer le livre, pour soutenir et relancer la narratrice, sur l’air de  Scandale dans la famille, l’épouvantable scie chantée par Sacha Distel qui dit le secret qui doit rendre contente : « ton père n’est pas ton père ».
    Oui, ici de tombe en tombe, de fantôme en fantôme, de cousine en oncles incertains, Chloé Delaume, construit un roman de la maturité – plein d’humour –, simple, dur car douloureux, une fiction familiale et musicale – on visitera très à propos le site de l’auteur : http://www.chloedelaume.net/ –, où la voix des morts, participe du récit pour interroger notre rapport à la mort et à la littérature.
    « J’ai construit mon histoire sur un terrain si vague que sans fouille les fossiles affluent pour me blesser. » Treize tentatives de suicide plus tard, voici Dans ma maisons sous terre, comme un nouveau dialogue possible avec Chloé Delaume.

    Photo © www.tierslivre.net/

  • Hammurabi Hammurabi

    BOYER_200.jpgHammurabi fut le sixième roi de Babylone. Il régna de 1792 à 1750 avant Jésus-Christ. Il promulga le Code, qui porte son nom, rédigé en akkadien, gravé sur des stèles, érigées sur les places publiques. L’une d’entre elles, découverte en 1901 à Suse, en Iran, se trouve au Musée du Louvre.
    Frédéric Boyer les a vu, les a lu, a écrit, puis a lu des versions du texte qui paraît aujourd’hui chez P.O.L devant cette stèle en 2007 et 2008.
    Si Frédéric Boyer joue avec le temps et les voix, les tons, il est soldat d’Hammurabi, GI, Hammurabi lui-même… Frédéric Boyer en auteur de ses propres stèles ici déchiffrées patiemment… c’est afin de montrer ce qui, à travers le temps, est identique, procède du même, mais aussi ce qui manque à chacun des temps pour emplir le silence d’entre les lignes.
    Le monde a-t-il tellement changé ? Non, certainement pas. Non, il procède toujours du chant, de la litanie, du psaume, de la loi, de la langue qui multiple est unique. C’est pourquoi ici les voix se mêlent en une seule – « Si nous vivons dans la mémoire et dans la mémoire de nos cœurs, et dans la mémoire de nos regards, et si nous vivons dans la mémoire de nos corps comme dans la prison du crâne d’autrui. » – qui, le temps d’une récitation, d’une transe, dit l’hier, l’aujourd’hui et sans doute l’avenir.
    Un vrai livre pour commencer l’année, Hammurabi, Hammurabi, si nous te lisons.


    Claude Chambard


    Frédéric Boyer
    Hammurabi Hammurabi
    11x16 ; 64 p. ; 10 € ; isbn : 978.2.84682.293.0

    PS : paraît du même auteur, chez le même éditeur, dans la même livraison, Orphée, nous y reviendrons

  • Un diamant brut

    szczupak.jpgL’Yonne, Maman Blanche et Papa Edgar sont de braves gens, de ces bons paysans qui encaissent autant qu’ils savent donner. Yvette, leur est confiée par l’Assistance publique, même si encore, pas loin, rôde l’ombre d’un père qui ne l’est peut-être pas. Mais l’administration n’aime pas le bonheur aussi la belle enfant aux beaux cheveux blonds est déplacée dans une famille de brutes où la patronne l’humilie jour et nuit. L’hôpital peut sauver les malheureux. Après un séjour entre les infirmières en cornettes, toutes de gentillesse et d’humilité, Yvette ira, à deux pas de Vézelay, chez Maman Phasie et Papa Gustave qui aimeraient bien une petite pour habiter – plus tard – la maison destinée aux enfants qui sont partis.
    Et elle est bien Yvette dans ce petit monde simple et paisible, entre l’école et les animaux, les douceurs et l’affection. Ce pourrait se terminer comme ça, une vie simple à la campagne, mais ce serait sans compter le fait qu’à partir de 14 ans les pupilles de l’Assistance doivent travailler pour rembourser l’État, sans compter sur les quasis voisins, des parisiens de « la haute », trouvent que la mignonne est « un diamant brut » qui sait même dessiner. Christian et Yvonne Zervos vont s’engager à adopter la jeune beauté. En traversant le champ qui sépare la ferme de Phasie et Gustave de La Goulotte, la maison de Taky et Yvonne, la jeune fille ne sait pas encore dans quel monde elle est tombée. Elle a 13 ans, et bientôt elle partira à Paris, rue du Bac. Entre Eluard et Nusch, Bataille, Balthus, Miró, Léger, Giacometti, Char – l’amant d’Yvonne – aux shorts si larges qu’ils laissent apercevoir des breloques, Braque, Brauner, Hélion… c’est Picasso qui sera son préféré, lui qui la guide, l’accompagne, sans rien demander – ce qui n’est pas le cas de tout le monde, pensez… Zervos, ce cher Taki, l’homme des Cahiers d’art, le mécène, l’ami du tout Paris, lui demande – ce n’est pas bien méchant, n’est-ce pas – de « moucher son tuyau à pipi », puis on passera, tandis que Char et Yvonne frétillent, aux choses sérieuses… Yvette tournera dans un court-métrage poético-artistique de René Char financé par les Zervos avec Jacques Dupin en jeune premier... mais déjà elle pense à fuir cette existence insouciante. Elle part avec Monsieur Sacha Szczupak (Choux-Pâques, dit-elle, car elle raffole des surnoms qui font malentendus – on pourrait dire si exactement entendus) en Israël. Là-bas elle trouve quelque chose en elle-même qui n’attendait que pouvoir se révéler : « L’Ailleurs, c’est ici ».

    Elle quittera la France, et le couple qui l’avait adopté et ne savait que la manipuler, deux mois avant sa majorité. Elle obtiendra le certificat de conversion n° 6 de l’État d’Israël, épousera Sacha et après avoir écrit ce livre simple et complexe pourtant elle s’y éteindra en 2003. Livre simple et complexe à la fois car son auteur est un écrivain. Elle sait remuer sa phrase pour, en racontant, faire passer ce qui compte, ce qui bâtit une demeure pour soi où l’on peut accueillir l’autre, les bras grands ouverts. Sans regret, sans haine non plus, elle décrit des mondes, des époques, des êtres avec une justesse et une drôlerie étonnantes.
    De surcroît elle donne à lire un redoutable témoignage sur ce que ne devrait jamais être l’adoption.

    Yvette Szczupak-Thomas
    Un diamant brut
    14x21, 448 p. ; 20 € ; isbn : 978.2.96424.654.1
    Métailié, 2008

  • En mémoire de Philippe Vercaemer

    uneracine.jpgPhilippe Vercaemer (textes) et Chantal Detcherry (photographies)

    Le Népal / une racine entre deux pierres

    176 p., 24x21,  28 €, isbn : 978.2.85792.183.1, http://federop.free.fr/

     

    “Nous avons d’abord répondu à une secousse, un ébranlement : le meurtre de presque toute la famille royale népalaise par le prince héritier, le 1er juin 2001. Un hasard avait fait qu’un an auparavant, nous avions voyagé dans le même avion que le roi, sa famille et les principaux membres du gouvernement. Nous sommes revenus au Népal une douzaine de fois jusqu’en janvier 2008, ce qui nous a permis d’assister à la chute lente et inexorable d’une monarchie multiséculaire, qui sera très bientôt remplacée par une république. Ce pays « racine » s’est émancipé, sinon des grosses « pierres » (l’Inde et la Chine) qui pèsent sur lui, du moins de la tutelle d’un régime très inégalitaire. Le roi, pourtant censé être une incarnation du dieu Vishnu lui-même, va être déposé, mais l’avenir du pays reste très incertain puisqu’il sera dirigé désormais par les maoïstes.

    Nous avons écrit ce livre pour rendre hommage à un peuple très pauvre, d’un courage et d’une affabilité exemplaires. Un petit pays si riche en ethnies diverses, en coutumes singulières et qui a su accueillir tant de malheureux Tibétains traqués sur leurs propres terres qu’ils ont fuies au péril de leur vie. A travers une série de portraits, nous avons voulu mettre en relief les qualités humaines de ses habitants, qui sont avant tout des porteurs. Il n’y a pas que les sherpas, acheminant jusqu’aux sommets les équipements des alpinistes : partout dans les rues et dans la campagne, des hommes et des femmes de peine portent sur leur dos des charges écrasantes. Oui, ce peuple avec sa foi et sa vigueur, soulève les montagnes.

    Il sait aussi se soulever lui-même lors des innombrables fêtes où tous honorent les dieux dans une transe collective (toujours maîtrisée cependant) où le travail, l’acquisition des choses, cèdent la place à l’exubérance de la dépense et du sacrifice, à la joie d’être « transporté » au-delà des limites du quotidien. Le voyageur retrouve alors l’ardeur de sa propre enfance et peut célébrer « la fête de lui-même ».
    Ecrire ce livre a été pour nous une manière de prolonger cet emportement. À la façon des processions, des défilés de char, le texte est fait d’élans et de pauses, il est scandé par les fragments de l’écrit et les photographies (qui sont proposées comme de petites fêtes pour l’œil).”

     

    p-vercaemer.jpgPhilippe Vercaemer a enseigné la littérature française dans les Universités de Brazzaville (R. du Congo), Pointe-à-Pitre (Antilles), Wuhan (R. P. de Chine) et Bordeaux. Il a publié, outre Le Népal/une racine entre deux pierres, un récit, La Déesse, (Éditions Le Radeau de la Méduse) et diverses études sur des textes littéraires consacrés au voyage. Il est né en 1938 et vient de nous quitter, mardi dernier à 22h, pour la lumière pure qu'il espérait. Nous l'avons accompagné ce matin en l'église Sainte-Marie de Pessac. Il nous manque déjà.

  • Avenue de la mer

    tn_Couv.jpgL'humanité du 30 octobre 2008

    La chronique littéraire de Jean-Claude Lebrun
    Le souvenir et Marguerite


    AVENUE DE LA MER, Michèle Sales.
    Éditions de l'Atelier in8, coll. Alter & Ego, 112 pages, 12 euros.


    « Il serait regrettable que ce roman, publié par une jeune maison à la réputation d'exigence, passe inaperçu dans la masse des publications de la rentrée. Car Michèle Sales nous propose un texte qui combine remarquablement la mémoire personnelle et la mémoire littéraire, sans pour autant se contenter d'organiser leur rencontre. Faisant de cette matière une œuvre singulière, en laquelle s'affiche le lien de nécessité entre la littérature et la vie. Si l'on sent ce roman longuement mûri, si la langue s'y présente extrêmement travaillée, l'auteur évite l'écueil habituel dans ce genre d'entreprise: le trop-plein et la surécriture.
    Michèle Sales a su ici écrire juste et à la bonne distance. Le roman remonte au début des années soixante, quand celle qui raconte était une adolescente en villégiature dans une cité balnéaire proche d'un estuaire. Un bref paragraphe d'ouverture, en phrases courtes comme autant de minuscules réglages, permet la mise au point de la focale.
    De premières images viennent. Les marées montantes et descendantes à l'embouchure du fleuve, les quais, les terrasses et les boutiques, puis à chaque fois l'arrivée par le train. Il est aussi question des anciens pêcheurs repoussés par les plaisanciers. De la ville d'avant maintenant effacée par le tourisme. D'un autre estuaire moins visible: l'estuaire du temps. On ne sait pas encore vraiment où l'on se trouve, à l'embouchure de quel fleuve, mais à certains détails l'on subodore déjà la côte normande. Un lieu qui pourrait être Deauville ou Cabourg, ou peut-être encore Trouville. La narratrice ajuste sa vision, commence de laisser deviner les arrière-plans de son récit.
    Dans une ambiance mêlée de précision du souvenir et de discrète suggestion. Mettant déjà le lecteur en alerte. On ne s'approche pas de Cabourg ou de Trouville sans mettre aussitôt en  route la mécanique du souvenir littéraire. Flaubert, Proust, Sagan, Duras. Tous donc voisinant sur la «côte de grâce», le toponyme inventé par cette Françoise Quoirez, qui emprunta comme de juste son nom de plume à une princesse nichée dans l'œuvre de l'asthmatique du Grand Hôtel de Cabourg.
    Cet été-là, on écoutait ensemble Salut les copains. Avait-on lu Bonjour tristesse? Pas si sûr. Mais la narratrice se rappelle un garçon avec lequel elle parcourait les environs à pas rapides. Comme si l'un et l'autre cherchaient à n'être pas rattrapés par une réalité qui entre eux se précisait.
    Cet été-là on marchait certainement sous les Roches Noires, puisqu'on passait ses vacances à Trouville. On l'a su entretemps. Une petite dame qui écrivait des romans y faisait un premier séjour. Elle avait fait déjà paraître une dizaine de livres, mais le plus gros de son œuvre restait à venir. La narratrice plus tard les lirait. Tous. Les relirait sans cesse.
    Elle se marierait, aurait des enfants, une profession. Le garçon de la plage et des promenades avait pour sa part tôt choisi de sortir définitivement du jeu. Le voici faisant retour, dans ce texte, en même temps qu'une foule de sensations, que des images laissées là par le reflux du temps. Mêlées aujourd'hui à d'autres impressions, à l'autre vécu apporté par la lecture des livres. Le temps de Trouville n'est pas ici un temps retrouvé, même si Proust y tient sa partie. C'est un temps réinventé, dans lequel Marguerite Duras, la petite dame des Roches Noires, fait son apparition.
    Pour prêter son regard à la narratrice, sa vision de la mer et de la côte, des relations entre les êtres. Peu à peu le texte de Michèle Sales dévoile ainsi sa consistance complexe. Non pas exercice de style, mais restitution d'une dynamique d'entremêlement des livres et de la vie qui place la littérature radicalement à part dans le champ des productions artistiques. L'oublierait-on, que l'écriture sans discontinuer nous le rappellerait. Glissant d'un temps dans un autre, superposant les images. Telle celle du père que les enfants jouaient à recouvrir de sable sur la plage. Celle plus tard des poignées de terre jetées sur son cercueil. Montées l'une à la suite de l'autre. L'émotion est ici continûment présente, mais contenue. Cette beauté-là n'est pas gratuite. C'est ce qui donne à ce petit roman sa considérable vigueur. »

    http://www.humanite.fr/2008-10-30_Cultures_Le-souvenir-et-Marguerite

    Je suis d'autant plus heureux de cet article de Jean-Claude Lebrun que je suis le directeur de la collection Alter & Ego aux éditions In 8 qui a publié ce livre de Michèle Sales

  • Vie secrète

    L1000240.JPG“Je cherche à écrire un livre où je songe en lisant.
    J'ai admiré de façon absolue ce que Montaigne, Rousseau, Stendhal, Bataille ont tenté. Ils mêlaient la pensée, la vie, la fiction, le savoir comme s'il s'agissait d'un seul corps.
    Les cinq doigts d'une main saisissaient quelque chose.”

    Pascal Quignard

    Vie secrète

    Gallimard, 1997

  • Dominique Autié : Toutes les larmes du corps

    dominique_autie2008.jpgDominique Autié est mort à 59 ans le 27 mai dernier.
    Je l’avais rencontré fin des années 70, début des années 80, autour des enseignements d’édition/librairie et bibliothèque/documentation à Paris, à Saint-Cloud, à Toulouse et à Bordeaux.
    Il avait des responsabilités chez Privat à cette époque. Plus tard il en eut au CRL Midi-Pyrénées (vice-président puis membre du conseil d’administration), le temps de ne pas aimer ça. Il avait fait l’école Estienne, dont je rêvais adolescent, dirigeait la société In Texte et tenait un blog très pertinent. Son livre Mon frère dans la tête a marqué une génération (sans doute plusieurs), un de ces livres mythiques qui relèvent de la société secrète. Dans sa bio, la rubrique “Méthodes de travail, ambiance de prédilection, manies”, est si proche de ce que je pourrais écrire moi-même que je ne résiste pas : « Professionnel de l’écrit mais ne vivant pas de mon œuvre, cette dernière souffre d’être le parent pauvre de mon emploi du temps. Ecrire à la sauvette, dans l’exécrable résidu temporel qu'on nomme “loisir”, implique une méthode de prise de notes, de rédaction provisoire sous forme de fragments, que facilite grandement l’informatique. L’Art de la fugue de Jean Sébastien Bach a ce pouvoir de créer dans l’instant la “bulle” sensorielle qui m’autorise à passer de l’écrit professionnel à l’intimité de l’écriture. J’aspire toutefois à écrire au désert. En plus du crayon à papier, l’informatique m’a offert les moyens d'une manie fastueuse : le  bodoni. » Il avait eu une émission sur Sud Radio où j’avais eu l’honneur d’être invité avec Philippe Méziat (un bien joli voyage à Toulouse) à l’occasion de la sortie de Jazz & littérature, numéro 3 des Cahiers d’Atlantiques du crl Aquitaine. On se croisait, on se lisait, on s’envoyait des livres. Son blog était très lu (http://blog-dominique.autie.intexte.net/blogs/, vous y trouverez sa biblio complète), il est toujours visible sur la toile. Il s’intéressait aux autres, ça devient rare. Il aimait parler, échanger, bavarder, tout ce que la société du “pestacle” voudrait bien qu’on ne fasse plus. Le monde est toujours plus triste et plus vide.

  • Philippe Lacoue-Labarthe

    « – Ayant traversé le gravier qui borde la maison (même bruit de tempête non survenue), j’ai marché jusque vers le fond du jardin et je me suis arrêté près du tas de terre et de cendre que tu connais, peut-être pour regarder, par-dessus la clôture, les vagues collines, la plaine. Ce n’était pas encore l’hiver, mais il faisait froid, très froid. (C’est la première fois que je séjournais en cette saison dans ce pays qui n’est pas plus le mien que n’importe quel autre et que je connais mal, en dépit de tout.) Les animaux n’avaient pas encore bougé. Il ne s’est évidemment rien passé, mais je savais que cela m’était déjà arrivé : je le savais, l’ignorant : je reconnaissais cette nouveauté absolue, ce ruissellement, cette fatigue.
        Non, je n’étais pas interdit, mais d’une indifférence sans limite : je pouvais mourir. »
    Philippe Lacoue-Labarthe
    Phrase
    Coll. Détroits, Christian Bourgois, 2000
     
    439589.JPGEn façon d’hommage à Philippe Lacoue-Labarthe à l’occasion de la rencontre organisée, pour la parution de la revue L’ANIMAL qui lui est consacrée, le vendredi 23 mai à la librairie Kléber à Strasbourg par Isabelle Baladine Howald (son nom soit loué pour l’éternité & un jour), avec Jean-Luc Nancy, Claire Nancy, Hélène Nancy, Bernard Baas, Jean-Christophe Bailly, Philippe Choulet, Sylvie Decorniquet, Michel Deutsch, Francis Fischer, André Hirt et Isabelle Baladine Howald.

    L’Animal N°19-20
    printemps 2008, 29 €
    Cahier Philippe Lacoue-Labarthe
    (sous la direction de Philippe Choulet et d'Emmanuel Laugier)
    Textes de :
    Jean-Luc Nancy - Jean-Christophe Bailly
    Philippe Choulet - Emmanuel Laugier
    Michel Deutsch - Walter Benjamin - Hélène Nancy
    Clemens-Carl Härle - Jean-Pierre Moussaron - Sylvie Decorniquet
    Patrick Hutchison - Francis Fischer - Philippe Beck
    Isabelle Baladine Howald - André Hirt - Bernard Baas
    Dessin de François Martin - Mario et Federico Nicolao
     
    *
    Philippe Lacoue-Labarthe
    [ L’Afrique… (entretien)
    “ Détroits ” - Hölderlin, deux poèmes de la folie
    Traduction et histoire – Hölderlin (entretien)
    La forme toute oublieuse de l’infidélité - Bye bye Farewell
    D’un “désart” obscur, remarque sur Adorno et le jazz
    Monogrammes X - Le Baudelaire de Benjamin : l’utopie du livre
    Syberberg : de l’Allemagne après Hitler
    Le cinéma comme relais de l’idée nationale
    Logos et techné - De la clarté
    Au nom de l’Europe - Éloge, sur Guy Debord
    Phrase X
    ]
     
    &
    Le Simple
     
    Emmanuel Laugier / Au Hasard Balthazar [Robert Bresson]
    Guennadi Aïgui - Joël-Claude Meffre - Jean-Paul Engélibert / Les idiots [Lars von Trier] - Emmanuel Darley - André Hirt / Un cœur simple  [Gustave Flaubert]- Mathieu Provansal
    Bernard Sève - Eva Gerlach - Bruno Fran - Stéphanie Ferrat - Fabio Pusterla

  • La Symphonie du loup, Marius Daniel Popescu

    772533361.jpg« Les âmes des vivants et les âmes des morts sont de douces marionnettes. La chose la plus extraordinaire est que tu as compris que les marionnettes se font bouger les unes les autres. Chaque marionnette fait fonctionner d’autres marionnettes et ainsi de suite. Il n’y a pas de marionnettes sans importance pour les autres marionnettes. Tu as compris que tu es aussi une marionnette et tu cherches non pas à t’affranchir de l’état de marionnette, chose impossible, mais à ne pas utiliser cet état de fait et à le laisser s’atrophier par manque d’exercice. Chaque fois que la marionnette qui est en toi veut s’exprimer, tu t’abstiens de prendre position, tu t’éclipses, tu te retires, tu n’interviens pas et la marionnette se meurt dans sa soif inassouvie. »
    Marius Daniel Popescu
    La Symphonie du loup
    José Corti, 2007

     

    1890235781.jpgVoici un livre surprenant et qui annonce la naissance d’un écrivain.
    Marius Daniel Popescu est roumain de naissance (1963) et il vit en  Suisse aujourd’hui. Il écrit en Français. Pour l’anecdote, il est chauffeur de bus à Lausanne quand il n’écrit pas, mais je l’imagine très bien écrire à chaque terminus, le carnet sur le volant.
    Il a obtenu le Prix Robert Walser pour ce premier roman.
    La Symphonie du loup est composée de 146 mouvements, sans chapitre, coulée d’un bloc mais animée de variations et de changements de gammes assez détonnants.
    Dès l’ouverture sur la mort accidentelle du père on est saisi par une densité d’écriture assez prodigieuse, proche souvent de la transe chamanique, ou du rythme des prédicateurs dans les parcs londoniens. Mais Popescu n’a rien à vendre si ce n’est son humanité joyeuse même dans les pires moments.
    Le souffle qui anime cette symphonie semble inépuisable, tournant d’un narrateur l’autre, éclairant les jours d’une vie simple sur terre, entrelaçant  « je », « tu », « il », afin d’atteindre à une réelle universalité complexe, vive, rugueuse et joyeuse.
    La Roumanie, la dictature roumaine, est le décor de ce roman bouillant, passionné et passionnant, vif, enthousiaste, qui nous montre un personnage tour à tour petit-fils, fils et père dans une Europe en devenir, avec les langues et les cultures en partage pour construire une terre possiblement vivable où demeure le doute, où le suicide est possible certes, mais où une solution est toujours envisageable tant que l’on a envie de vivre d’un rien, d’un rire et d’un souffle léger sur la joue.
    Il faut lire cette Symphonie du loup parce que les livres indispensables sont devenus rares comme un jour sans Sarkozy.

     


    PS : Malgré ce grand livre le blogueur est fatigué, plombé, il va donc se reposer, si possible, pour une durée indéterminée.

  • Thomas Braichet

    Jeudi Hélène Mohone, 48 ans, samedi Thomas Braichet, 30 ans. La même saloperie de maladie.

    1672352622.2.jpgPour Thomas Braichet il faut aller sur la page de Tapin qui lui rend hommage – il participait depuis plusieurs années à la revue Boxon avec Julien d’Abrigeon, Cyrille Bret, Gilles Cabut… – http://tapin.free.fr/thomas.htm

    Thomas Braichet avait publié deux livres sonores chez P.O.L, On va pas sortir comme ça on va rentrer en 2004 et Conte de F___ en 2007. http://www.pol-editeur.fr/catalogue/ficheauteur.asp?num=5818

    Thomas Braichet a une page sur MySpace, il faut la visiter, elle mérite amplement le détour et elle permet de comprendre sa conception de la poésie : www.myspace.com/batart

  • Pour accompagner Hélène Mohone

    Pour accompagner Hélène Mohone ces vers d’Anna Akhmatova – qu'elle aime tant  – et qui ici dans la présence de Marina Tsevatïeva, me fait penser à Hélène, à sa façon de penser l’autre. 

     

     

    «  … et je me suis retirée ici de tout,
    De toute espèce de bien terrestre,
    C’est une souche dans la forêt
    Qui est l’esprit, le protecteur de « ces lieux ».

    Dans cette vie nous sommes tous en visite ;
    Vivre, c’est tout juste une habitude.
    Sur les chemins de l’air je crois entendre
    Deux voix qui s’appellent l’une l’autre.

    Deux ? Mais près du mur de l’est,
    Dans les buissons de robuste framboise,
    Sombre, une branche fraîche de sureau…
    C’est une lettre de Marina.»

    1961, novembre
    à l’hôpital


    Anna Akhmatova
    Requiem
    Traduit du russe par Jean-Louis Backès
    Poésie/Gallimard, 2007