Vadim Kozovoï, « Hors de la colline »
litographie de Henri Michaux
« Entre deux points de douleur, la poésie est la voie la plus courte. Courte tellement qu’à son coup solitaire tombe décapité le temps.
Il reste
Seul mon pin qu’il soit près de ta montagne
les ailes rognées ni ne tourne la tête
limpide est sans cils la merveille citadelle
aux aiguilles des yeux en coulisse de colombe
est-ce au fils de bâtir par vallées décrépites ?
leurs saisons s’enlisent et leur siècle croule…
ériger à nouveau sous l’orage proche ?
les lointains on y touche foules se resserrent…
si tant est vu tordu dilapidé en miettes
filouté flûté tout sauf la limpide
près de la montagne seul mon pin reste
sans tourner les yeux au passé quittes
à scruter quelle merveille et rien tête à dire
rien de plus aux ailes rognées au cimeterre
Ton aile
Aile de hölderlin en détresse flottant par sa propre seule faute d’illimité
d’une faille timide m’a effarouché au point de l’aube l’argileuse fente
car la veille au soir dans les purs-étangs nous avions moi et mioche mon petit
vu un hippopotame tenter ivre noir d’abreuver un cygne plus noir vêtu
fut verdâtre la brute aux souliers tordus qui sous hardes sans indices d’âge
étirait à bleuir craquelées serrant les babines au nuage frissonneux de sang
que son âme à vau-l’eau de s’ouvrir transie pourchassait au loin bouche volcanique
et souffrait de la noire inaccessibilité du bec noir sous la tienne seule en détresse »
Vadim Kozovoï
Hors de la colline
Version française de l’auteur avec la collaboration de Michel Deguy et de Jacques Dupin
Illustrations de Henri Michaux
Postface de Maurice Blanchot
Hermann, 1984