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Un nécessaire malentendu - Page 69

  • Jean-Jacques Viton, « Zama »

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    Jean-Jacques Viton, lecture au MAC, Poésie Marseille 2011© Claude Chambard

     

    « Zama mâche des trouvailles

    croûtons et concombres

    assis sur une grosse pierre

    deux chiens roux devant lui

    tous les trois forment un petit groupe

    éloigné du tumulte imprécis

    immobiles  ensemble  ils sont là

    se regardent  attendent les surprises

    très haut  un grand oiseau  noir

    les ailes étendues  fixes  solides

     

     

    il plane il glisse dans un immense ciel

    c’est le sien  il le domine  seul

    une barre grise dans le loin

    brouille un peu  le fond

    si l’ensemble basculait  cette frange

    deviendrait le toit du vide

    où règnerait toujours l’oiseau obstiné

    Zama regarde intensément

    il se sent triste il est comme abandonné

    Zama ne sait pas où il se trouve »

     

     Jean-Jacques Viton

     Zama

     P.O.L, 2012

  • Éric Faye, « Nagasaki »

    éric faye,nagasaki,stock« Je me dis qu’il faudrait inscrire dans toutes les constitutions du monde le droit imprescriptible de chacun à revenir quand bon lui semble sur les hauts lieux de son passé. Lui confier un trousseau de clés donnant accès à tous les appartements, pavillons et jardinets où s’est jouée son enfance, et lui permettre de rester des heures entières dans ces palais d’hiver de la mémoire. Jamais les nouveaux propriétaires ne pourraient faire obstacle à ces pèlerins du temps. J’y crois fort, et si je devais renouer un jour avec l’engagement politique, je me dis que ce serait l’unique point de mon programme, ma seule promesse de campagne… »

     

     Éric Faye

     Nagasaki

     Stock, 2010

  • Eduardo Berti, « La Vie impossible »

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    Le Don

     

    « Tout comme Funes peint par Borges, ma mère avait le don de savoir l’heure sans avoir besoin de consulter une montre. Elle vécut durant presque vingt ans dans l’ignorance de cette faculté, jusqu’au jour où quelqu’un, une voisine à ce que je crois, la lui fit remarquer. Dès lors, ma mère ne porta plus jamais de montre à son poignet.

    Quand j’étais enfant, l’exactitude avec laquelle elle pouvait dire l’heure me stupéfiait. Pourtant, ce don la troublait tant qu’elle m’avait interdit de la divulguer au-delà du cercle familial. Je devais avoir quatorze ans quand mes parents et moi fîmes un voyage au Luxembourg. Nous étions tous trois dans un café et j’eus l’idée de lui demander l’heure, ce à quoi elle me donna sans sourciller une heure incorrecte, une heure impossible pour ce moment de la journée. “Tu t’es trompée”, lui dis-je, étonné. C’était la première fois que je la voyais se tromper. Mais mon père signala qu’il n’y avait aucune erreur, que ma mère avait donné l’heure de Buenos Aires, car les dons sont liés, profondément, à l’endroit où on les a reçus. »

     

    Eduardo Berti
    La Vie impossible

     Traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu

     Coll. Le Cabinet de lecture, dirigée par Alberto Manguel

     Actes Sud, 2003

  • François Dominique, « À présent — Louis-René des Forêts »

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    « L’écriture silencieuse, et non tapageuse, dont sont tissés certains livres n’a de sens qu’en raison d’un fait dont aucune mémoire n’a le souvenir explicite : on nous a “appris à parler”, ce qui suppose la double épreuve d’entendre et de répondre, dont l’origine s’efface, ou plutôt nous devient inaudible. Mais la recherche de l’origine, dans ces livres-là, devient le ressort secret  de la quête du sens.

     

    Cette simple vérité est si peu connue que l’écriture dans son usage le plus courant, dans ces expressions sociales, dans ses parades frivoles ou prétentieuses, s’emploie à détruire l’enfance dont elle procède pour cimenter des rapports “adultes” de sujétion et de possession déterminés par les rapports d’existence.

     

    Est-ce que la littérature ne serait pas, ne devrait pas être une sorte de contre-écriture pour réapprendre à parler ? Pour combler la perte de l’origine ? Pour combler un manque ?

     

    En écrivant ceci, j’entends cet enfant qui chante, l’enfant qui se dresse dans Une mémoire démentielle*, contre les camarades trop cruels, les maîtres injustement sévères et contre l’accusation de mentir : “C’est sa propre gloire qu’il clame à pleine gorge, comme si ce qu’elle criait au ciel était félicité faite pour durer toujours.” »

     

    François Dominique

     À présent — Louis-René des Forêts 

     Mercure de France, 2013

     

    * Une mémoire démentielle est le quatrième récit de La Chambre des enfants de Louis-René des Forêts.

  • Brigitta Trotzig, « Contexte matériaux »

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    « Il est possible de vivre comme si de rien n’était. Sensibilité et sentiment se figent. Les visages disparus. L’instinct de mort est très fort.

     

    De l’oubli. Du “pays” de l’oubli — une étrange contrée. Là l’autre n’existe plus, le corps a disparu, il n’y a plus d’ombres. Comme si tout devenait moitié, un trouble de la vue. Maintenant on vit dans la douce lumière de la non-mémoire, dans le mirage de l’immuabilité, dans l’enfance, ici il fait tellement silencieux et irrévocable, douceur et fausseté certes mais douceur.

     

    Le corps et le pays de l’instinct de mort. Mais de quelque incompréhensible façon se libère de l’obscurité confuse filandreuse un visage vivant de la mort, l’Angelus Novus qui selon Walter Benjamin est apporté par le vent venu du paradis. “La terreur est la première forme de manifestation du nouveau.” »

     

     Brigitta Trotzig

     Contexte matériaux

     Traduit du suédois par Régis Boyer

     José Corti, 2002

  • Mathieu Bénézet, "Résumant ma tristesse" — 7 février 1946 - 12 juillet 2013

    « n’y pense pas cette morte baisers

    petites bras

    douleur disaient tes mots tu n’écris

    pas tout le monde a

    des accidents aujourd’hui il y a

    une mère

    dans toute parole et enfant

    n’y pense pas ne dis

    pas j’ai quitté d’habiter


     

    et pour le cœur

    c’était nous

     


    cette année vous mourrez de froid

    cendres,

    cendres cette légèreté du cœur


     

    c’est un rêve d’un autre hiver où je crus

    dormir et je pleurais, va

    séparer fut léger — tendre

    neige tendre (et je pleurais)

     

    ce rêve où tu pleuras (et je dormais)

    va,

    ce fut un rêve noir hiver


     

    résumant ma tristesse

    noir poème tel qu’on peut rencontrer

    des tombes qui veux me blesser d’écrire »

     

     Mathieu Bénézet

    Résumant ma tristesse

    avec quatre sérigraphies en deux noirs de Raquel

    4 exemplaires sur Japon nacré, 40 exemplaires sur vélin de Rives

    à Passage, 1981

    repris in Le Travail d’amour, Flammarion, 1984

  • Arvo Valton, « La Framboise blanche »

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    [choix]

     

    « Il était libre — tant que ses chaines restaient invisibles. 

     

    La meilleure manière d’atteindre l’âge d’or, c’est de le proclamer.

     

    La morale et les normes commencent là où s’achèvent la création et la liberté.

     

    Ce n’est pas l’homme qui perd du temps, c’est le temps qui perd l’homme.

     

    Illimitées sont les aptitudes humaines — en matière d’inaptitude !

     

    Jamais l’impuissance de l’homme n’est aussi manifeste que lorsqu’on lui confère de la puissance.

     

    Il avait tout mis de côté pour sa vie à venir : une fois arrivé sur place, il découvrit que sa devise n’était pas convertible.

     

    Les choses inutiles coûtent le prix fort : c’est normal, l’argent étant leur unique étalon.

     

    Si tu as vocation à dire la vérité au monde, tu dois être prêt à ce qu’il répande bien des mensonges à ton sujet.

     

    Les dissidents sont ceux qui ne pensent pas comme ceux qui ne pensent jamais.

     

    Le comble de l’humanisme : rendre visite à un cannibale pour qu’il ne meure pas de faim.


    Il y a une quantité de maladies que la médecine n’a pas décrites mais que tout le monde connaît bien : la schizophrénie sociale, les crampes de dignité, une forme contagieuse de manie des grandeurs, le syndrome de la semi-génialité, les abus d’auto-médication, les crises d’auto-compassion, un amour morbide du prochain, les inflammations de l’âme, la fièvre de la recherche du bonheur, etc. »

     

     Arvo Valton
    La Framboise blanche

    Traduit de l’estonien par Eva Vingiano de Pina Martins

     L’Escampette, 1993

     

     Vingt-quatrième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

  • Michèle Desbordes, « Le lit de la mer »

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    Marie Grubbe

     

    « On dit d’elle que trente années durant elle eut fiancés, maris et amants, et qu’il lui arriva d’aimer ; comme il convient et parfois amoureusement. Qu’à Copenhague où elle vécut elle restait des heures à contempler le Sund très bleu, attendant si fort le bonheur, que parfois elle criait, se tordait les mains. Quand en 1676 avec un autre mari qu’on lui donne elle revient dans son château de Tjele, elle commence, à force d’ennui, à errer dans les allées. Des années elle erre là, parlant de peine amère, de blessure inguérissable.

    Un soir que les écuries prennent feu, elle s’éprend du maître valet Soeren qu’elle voit, dans la nuit rougeoyante, sauver les chevaux. Elle pense à sa main large et brune, au jeune cops cabré devant les flammes, puis revêtant une robe de rude étoffe elle vient le trouver sur la paillasse des greniers.

    Quand alors on la chasse, elle part avec lui, quinze autres années allant de foire en foire avec l’orgue de Barbarie dont elle tourne la manivelle, tandis que lui, Soeren, sur son tapis soulève à n’en plus finir des barres de fer. Puis avec quelque argent qui arrive de Tjele, elle acquiert sur l’île de Falster le bac ainsi que la maison du passeur. Le soir, après qu’ils ont transporté hommes et bêtes, ils s’asseyent l’un près de l’autre devant la maison, et contemplent le Sund brillant et très bleu. Elle dit qu’elle ne saurait vivre sans lui, ni sans la mer qu’elle voit briller chaque soir de tous les bleus qu’il y a là-bas. Elle a soixante ans, puis soixante-cinq et soixante-dix. Bientôt soixante-treize quand meurt Soeren, à l’âge de quarante-sept ans.

    On dit que toute une année encore elle eut à supporter la vie. Puis qu’un jour de ciel bleu ceux de Falster l’enterrèrent près de lui qu’elle aimait comme personne, chantant, dans la grande chaleur qu’il fit ce jour-là, un chant à Dieu afin qu’il détournât d’elle son courroux. »

     

     Michèle Desbordes

    Le Lit de la mer

     Gallimard, 2000

  • Notes à tout faire

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    Continuant ma lecture de la correspondance de Walser (chez Zoé), je commence ma note pour CCP :


    Sur les 750 lettres retrouvées de Robert Walser, 266 sont ici traduites en français par Marion Graf qui commence à avoir un bon nombre d’excellentes traductions de son vieux maître à son actif chez la remarquable madame Zoé. Nous ne pouvons que les louer pour ce précieux travail. Pour aller vite, on trouve trois types de lettres dans cet ensemble : celles que Walser envoie pour la publication de ses textes et/ou toucher quelques sous, les lettres à sa famille, les lettres à Flora Ackeret, Frieda Mermet et Thérèse Breitbach qui sont trois femmes qu’il a sans nul doute aimées, « Lorsqu’on s’écrit, c’est comme si on se touchait avec tendresse et délicatesse* ».

     

    Puis je copie :

     

    « Bienne, mars 1905**

     

     Chère Madame Ackeret,

     

    J’ai enfilé un vieux pantalon et je me sens en droit d’écrire des lettres dans le monde entier. Le monde entier ! entre vous et moi, il y a un monde. Papa est entre nous, et la vie de papa représente certainement un monde.

    Il y a deux escaliers entre nous, et les escaliers sont un monde. La rampe des escaliers : combien de personnes s’y sont tenues, de combien de mains peut-elle parler, non pas parler, se souvenir. Cette lettre n’arrivera jamais par la poste, elle ne saurait coûter ni 10, ni 5, ni 25 centimes, et pourtant, ne fera-t-elle pas aussi son chemin ? Je la mettrai dans ma sacoche de la poste, je ferai moi-même pour ce courrier important l’employé de poste, de train, de poste, et en plus le facteur***. Que cette démultiplication me réjouit et me rend fier. Donc, deux mondes ! Deux escaliers, deux hommes, une lettre, de la neige dehors, un regard pour la bêtise, un soupçon d’éternité. C’est quand je fais des bêtises, que je donne l’impression d’être le plus supportable. Il neige, et : le printemps n’allait-il pas venir, déjà. Il le voulait ! Porte-toi bien,

     

    Un impertinent !

     

    Post-scriptum :

    Il n’est pas facile de mériter des printemps

    (Adieu)            Le même, qui s’incline bien bas !

    Qui accepte les rodomontades ! »

     

    à suivre…

     

     

     * Lettre à Frieda Mermet, Bienne, mars ? 1914

     ** La lettre, un courrier interne , est adressée à « Flora Ackeret. Dans le monde inférieur » ; sur l’enveloppe, un timbre dessiné de la main de Walser porte l’inscription : « Vient de très loin ».

     *** Cette scène d’une étrange correspondance à l’intérieur d’une maison sera transformée et reprise dans « Marie », la prose centrale de Vie d’un poète (1917)

     

  • Notes à tout faire

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    Sepolcro dei Pancrazi Rome

     

    Depuis quelques jours, en parallèle aux nombreux livres de poésie que je dois lire pour les chroniquer, lecture de la Correspondance de mon cher Robert Walser — Lettres de 1897 à 1949 —, lettres au cœur même de son travail c’est une évidence. La lettre, la carte postale, en un mot : la correspondance, sont une de mes préoccupations depuis belle lurette aussi. J’y reviendrai.

     

    Quelques bribes de notes à paraître à l’automne dans CCP :


    Voici un livre qui est la preuve simple que la poésie quand elle est juste poursuit le dialogue entre morts & vivants. Ainsi : « Il remit des yeux aux statues aussi longtemps qu’il le put. » [à propos de Le Dernier mot, organisé & présenté par Ana Rodríguez de la Robla suivi de Les Préceptes de la fin par Alberto Manguel, traduit du latin par Denis Montebello & de l’espagnol par François Gaudry, Coll. Le Cabinet de lecture, L’escampette]

     

    Armand Dupuy tire la langue aux phrases toutes faite, il l’étire comme on tire la pâte pour donner le gâteau le plus fin, le plus léger, le plus goûteux, pour mieux taire ce qui résonne dans sa poésie & qu’il faut donc aller chercher à bout de sens — de contre sens — car — sans hésiter à fractionner le poème, le vers, la ligne — « ce que l’on cherche s’en va dans le mot », car « triste et vrai le silence de ma tête », car « personne ne l’entend », car « tout rate en langue ». [Armand Dupuy, Mieux taire, gravures de Jean-Michel Marchetti, préface de Bernard Noël, Coll. Écri(pein)dre, Æncrages & Co.]

     

    Deux volets d’une tentation chinoise. D’abord une approche sensuelle, intime de la sublime Li Ts’ing-tchao (Li Quingzhao) — dont on lira avec profit Les Fleurs du cannelier —, qui pourrait bien être cette jeune fille qui accompagne Victor Segalen dans le second texte : « Ce que je sens, au plus profond de mon corps, ce sont les mots mesurés avec les lèvres de chair de la jeune fille pure que vous avez caressée […] sa chair dont ni vous, ni moi n’avons oublié le goût, nous en connaissons l’ombre. » Tribu pour le poète voyageur, cadencé de la première à la dernière ligne d’une prose pure et vive, comme si Perche voulait conjurer l’absence — l’oubli — de Segalen. [François Perche, Nocturne pour V.S précédé de Obscurs parmi les ombres, Rougerie]


    Claude Chambard, ce 3 juillet

     

  • Caroline Sagot Duvauroux, « Le livre d’El — d’où »

    sagot1.jpg« Chaque phrase retombe pour que retentisse le récit. Mais dans chaque phrase il y a beaucoup de phrases suspendues chevauchées coupées qui cherchent au large à fuir l’énoncé.

     

    Palpite encore au dépôt, le sanglot.

     

    Les mots du poème cherchent dans l’affinité avec la chose dont ils se séparent, le retour, la conversion dans la propulsion. Que la chose les expulse, soit, les exile, mais aussi les suinte, les épouse, les jouisse… rosée. Un instantané que révèle l’eau jaillissante. Un baptême de rosée ? La phrase cherche à exister quelque chose plus qu’à exister. Un écho rote sous la phrase les quelques mots qui font la phrase. Les sanglots des rouleaux qui n’aborderont pas. Ça remonte d’un mufle extravagant, ça reflue d’abordage, la langue du sanglot.

     

    Une cantatrice soulève un peuple de clapots. »

     

     

    Caroline Sagot Duvauroux

     Le livre d’Eld’où

     José Corti, 2012

  • Serge Delaive, « Paul Gauguin, étrange attraction »

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    « C’est toujours la même histoire : celle d’un homme qui se cherche dans un monde qui le perd. Une histoire universelle. Il arrive parfois qu’une femme ou un homme parvienne à raconter cette histoire dans sa multiplicité. Dans ce qui la surpasse. Il arrive même qu’une autre femme ou qu’un autre homme rencontre l’histoire ainsi libérée. Quelque chose vient de changer. Définitivement. Car il y a désormais partage. Partage et durée. Fission. Aussi longtemps que la femme qui a reçu ou que l’homme qui a entendu le message seront en vie, ils se souviendront. Ceux qui ont réussi à transmettre le récit impossible sont des magiciens. Des sorciers. Des alchimistes.

    Comme toi qui parcours ces lignes, j’ai connu cette expérience à plusieurs reprises. J’ignore ce que tu en penses, mais dans ces moments-là, on se dit que c’est ça être en vie : avoir la chance de surprendre une histoire transposée et, d’instinct, la comprendre. La prendre en soi. On peut sortir de ces rencontres complètement désorienté. Ou s’empêtrer dans la quête obsessionnelle des instants prodigieux. Au point de se perdre encore. »

     

     Serge Delaive

    Paul Gauguin, étrange attraction

     L’Escampette, 2011

     

    Vingt-troisième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette