Daniel Morvan, « Aux champs »
« L’enfant des campagnes a laissé derrière
lui un monde de bruit et d’odeurs
Dit-on qu’il a changé de monde
ou que le monde a changé d’enfant
Être seul ne l’effrayait pas
toujours une chanson familière dans l’oreille
le grillon les vanneaux ou la flèche des oies sauvages
Aux aguets ainsi vivait-on aux champs maintenant quittés
— non pas quittés :
c’est un faut grossier qui circule sous ton nom
un usurpateur se fait passer pour toi
et donne le change pendant que le véritable
n’a pas quitté le carré de sol où
il rêve à genoux de sa vie future
de l’existence dans le dehors des champs
dans l’espace extérieur au village
qui déjà en ce temps semblait sans âge
et peuplé de fantômes souriants
d’un aveugle populaire et d’un fou à lier
de couturiers de prêtres de bourreliers
le vrai n’a pas suivi dans l’avenir
il est resté aux champs »
Daniel Morvan
Quitter la terre
Le temps qu’il fait, 2024
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