Marcel Cohen, trois enfants dans « Le grand paon-de-nuit »
« Affamé après plusieurs jours de fugue, un enfant, dans la rue, tente d’attirer l’attention des policiers pour qu’ils l’interrogent et le ramènent chez lui, mais avec assez de nonchalance pour qu’il ne soit pas dit qu’il se rendait.
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La scène se répète jour après jour : au jardin public, l’enfant court derrière les pigeons ; il court de plus en plus vite, tend les bras, finit par trébucher et tombe. S’il éclate en sanglots, ça n’est jamais vraiment sous l’effet de la douleur, pourtant très réelle, mais de rage : il ne voulait qu’embrasser les oiseaux, tente-t-il d’expliquer.
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Un enfant mimant sa mort, immobile sur le sol, yeux clos, les bras en croix comme le Christ (il n’imagine pas encore qu’on puisse mourir autrement), dans l’espoir qu’on va s’apitoyer, laisser éclater tout l’amour qui lui revient. On lui lance seulement : “Cesse donc tes jeux imbéciles et va te laver les mains pour passer à table !” »
Marcel Cohen
Le grand paon-de-nuit
Collection Le Chemin, Gallimard, 1990