Jean-Christophe Bailly, « Le troc silencieux de W.G. Sebald »
« Dans la partie du livre [D’après nature*] consacrée à la vie de Steller, Sebald raconte le troc silencieux auquel l’explorateur se livra dans une cabane de l’Alaska : ayant prélevé quelques-uns des objets qui s’y trouvaient (dont “une pagaie à tête de poisson et un hochet d’enfant en argile cuite”) il en dépose d’autres à la place (dont “un petit morceau de soie de Boukhara, une demi-livre de tabac et une pipe chinoise”). Cet échange entre des gens qui ne se connaîtront pas — un explorateur venu explorer avec Bering les parages du passage du Nord-Ouest et “un des habitants de cette contrée perdue”, — on peut y voir l’allégorie même de la littérature telle que Sebald la rend possible et pensable : soit, sur le fond de la tragédie historique, une maison épargnée où un échange entre inconnus peut se tenir, et où chaque mot est (serait) un gage de vérité. »
* D’après nature, traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau & Sibylle Muller, Actes Sud, 2007
Jean-Christophe Bailly
Le troc silencieux de W.G. Sebald
Europe n°1009, mai 2013
https://www.europe-revue.net/produit/n-1009-w-g-sebald-tomas-transtromer-mai-2013/