David Gascoyne
Fête
Après avoir eu longtemps soif du ciel, c’était le ciel,
Ce lac d’éther ; vaste voûte azurée,
Intense étendue entre les bords de l’horizon !
Sur les quais
Les fenêtres ouvertes brillaient comme des ailes,
Tissant de longs rayons parmi les arbres sans feuilles ;
Les sirènes des chalands à la dérive chantaient,
Et la journée entière
Buvait le cours fertile du ciel.
Et dans les faubourgs de la ville
Où les dernières bâtisses portent leur regard vide
À travers les terrains vagues, où des ruisseaux rouilleux
Parmi des carrés bruns de sol élimé
Poursuivent leur infiltration, un train sauvage
Se ruait dans une traverse avec des cris de triomphe,
Lâchant des banderoles d’épaisses fumée en tourbillons
Qui montaient et restaient suspendus, pressentiments, dans l’air…
Encore une fois la terre, son âme enfouie ranimée,
Aspirait à la splendide explosion de l’Été
Ainsi qu’à une mort illustre.
Paris, 1938
David Gascoyne
Misere
Traduit de l’anglais par François Xavier Jaujard
Granit, 1989