UA-62381023-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

parc

  • Mario Luzi, « Enfant, parc, cris »

    mario-luzi-3-469x600.jpg

     

    « Dans l’ultime senteur des jardins

    déjà le laurier a péri mais une fête

    rare exulte ou s’extasie sur les cimes,

    cerclé de vertiges l’insecte

    sillonne l’air qu’avivent les reflets

    multiples venus de cités oubliées,

    la route tisse l’ermitage enflammé,

    l’eau absorbe l’éclat vitreux,

    et brisée dans le labyrinthe pourpre court

    ta voix perdue : “Viens, viens.”

    Comment se fait-il qu’à ton impatiente invite,

    la blessure dans l’être, refermée

    par des larmes et des larmes, par le dur

    refus toujours ouvert à l’aventure,

    se remette à saigner, soit encore mon destin ?

    Du géranium à la rose de septembre

    ici l’année se répète en années indemnes,

    un éclair glacial luit sur les feuilles,

    le regard ronge l’aride lueur.

    Mais ta voix appelle du fond des méandres,

    il pleure, ton pas toujours plus solitaire.
    Est-ce seulement à un écho, de cette façon si sensible,

    que la mort qui nous parut déjà acquise

    se renouvelle dans le vivant qui souffre,

    ici où viennent encombrer le ciel

    des myriades d’inexistences embrasées ?

    À l’ombre que transperce ton appel

    et au vide qui t’envahit, quelle offrande,

    quelle promesse de paix ? quand apparaît

    parfait le rien, le ciel se referme

    en cercle derrière toi, les pas sonnent

    là-bas, les mains tâtonnent dans la fumée ­—

    il y a encore l’urgence de quelque chose de non accompli,

    la parole indicible subsiste. »

     

    Le décor est celui des jardins Boboli, à Florence, où le poète se promène à l'automne 1945 avec sa femme et son fils âgé de deux ans.

     

    Mario Luzi, Poèmes épars

    in Prémices du désert, poèmes 1932-1956

    Traduit de l’italien et présenté par Jean-Yves Masson et Antoine Fongaro

    Poésie, Gallimard, 2005