L'anniversaire de Sophie
Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Sophie.
Je lui souhaite donc publiquement — avec la complicité involontaire de Chîhiro Machidori — avant de le faire dans l’intimité.
Bon anniversaire Sophie.
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Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Sophie.
Je lui souhaite donc publiquement — avec la complicité involontaire de Chîhiro Machidori — avant de le faire dans l’intimité.
Bon anniversaire Sophie.
« 応
Il existe un autre idéogramme signifiant répondre. C’est un cœur assis derrière un rideau, comme une dame de la cour qu’on ne distingue pas, on devine seulement sa présence. On ne voit pas sa bouche, on n’entend pas sa voix, mais la petite secousse du rideau laisse supposer que la dame de la cour parle. Le problème, c’est qu’au moindre coup de vent, on pourrait confondre et croire que la dame parle. »
Yoko Tawada
Le Voyage à Bordeaux
Traduit de l’allemand (Japon) par Bernard Banoun
Coll. « Der Doppelgänger », Verdier, 2008
Le docteur Faust (extrait)
« Dans les siècles passés, lorsque le troc d’une âme était considéré comme un acte effrayant, les choses étaient pour Méphistophélès relativement simples, qu’il eût ou non du succès. Aujourd’hui que l’âme a infiniment moins de prestige et que chaque jour on troque des âmes contre des bagatelles comme des appartements à Marbella ou un poste dans un cabinet ministériel, la tâche de Méphistophélès est paradoxalement plus difficile. Perdre son âme en échange d’un misérable bien accorde à celle-ci peu de valeur, et Méphistophélès (qui est aussi banquier) convoite ce qui est précieux. Aussi le Faust d’aujourd’hui ne cherche-t-il ni connaissance ni amour, mais célébrité, succès populaire, son nom en haut de l’affiche. Et là, Méphistophélès est dans son élément. Tu veux être un auteur populaire ? dit-il à Faust. Tu veux vendre des millions d’exemplaires de ton livre ? Marché conclu : tu auras des piles de tes œuvres à la fnac et au Corte Inglés, tu seras en tête des best-sellers internationaux, on t’achètera les droits pour faire un film avec Tom Cruise dans le rôle du héros, tu voyageras en 1re classe et tu t’installeras en Irlande pour ne pas payer d’impôts. Et pour obtenir tout cela, tu n’auras quasiment rien à perdre, sauf la qualité artistique, le style, la grammaire, l’invention narrative, la responsabilité morale, la position éthique, la reconnaissance des futurs lecteurs, le respect de tes contemporains : ton âme. »
Alberto Manguel
Monsieur Bovary & autres personnages
Traduit de l’espagnol par François Gaudry
L’Escampette, 2013
« … Est-il vrai, comme je le pense, que nous cherchons à atteindre, enfin, une plénitude ?
Le jardin nous en offre, sinon la réponse, du moins la condition.
À la dispersion cruelle, nous préférons la dérive ténue du jardin.
Le temps que je prends au jardin est le temps d’arrêt qu’il me faut pour vivre sur le mode le plus juste qui m’est possible.
Au jardin des Augustines, je suis indisponible, injoignable.
Mon temps, notre temps n’est pas illimité.
Toute conclusion renoncée, je m’abandonne aux vertus de la vie ordinaire, réglée par la cloche de l’église, où chacun s’abandonne, autant que faire se peut, au plaisir de la lumière et de la chaleur, quand celle-ci n’est pas trop forte, en fin de journée ou après le repas du soir.
Je regarde autour de moi : le merveilleux s’éclipse.
Je change de respiration.
Assurément, il y a une prédilection de l’esprit pour la beauté prodigue, extravagante, qui est la marque de notre puissance d’être.
Ici, l’imagination est mortelle. Seule la réalité compte. »
Denise Le Dantec
Les Jardins et les Jours
Éditions du Rocher, 2007
« TOUT A BRÛLÉ. La seule justification est la jouissance de l’écriture, et les cendres dans vos cheveux. L’ornement est un geste qui se souvient de l’air. La différence mûrit. On ne pose aucune main — cela dépend des moments, agir. Et ce n’est pas mendier que recopier son chemin. Ainsi parlant, on continue de filer les tissus. Téméraire et bravant l’orage, on dit : Je me vêtirai demain, après la transparence. La chose étrange de vouloir continuer.
TU OUVRES DES LIVRES EN DÉSESPOIR DE CAUSE : faire des phrases. Mère, je ne suis pas le contraire de toi. Au final tu restes fixe, menue, sédimentaire, acoustique. Les lettres ne s’agglutinent pas. Laisse la maison ouverte comme ça. Voilà les clés. Le mur est ton décor pour une nuit. Je ou Qui repense chaque instant vécu. Le vent est tombé dans les marges. Sur la grève on a jeté des seaux d’eau salée, c’est l’heure de la souplesse pour les armures. Dans l’obscurité, on aperçoit la masse des rochers rendus à leur nudité. La mer ne laisse aucune trace : elle agite le temps sans donner de réponse. Cessez de m’écrire, crie quelqu’un. »
Dorothée Volut
À la surface
Éric Pesty Éditeur, 2013
« Oubli —
mais n’oublie pas la nuit l’abîme à dire
— /
grenades frénétiques dénuées de sens
sous la caresse
allant l’air et la sarabande
grave sourde intense aux terres nues
brûlée »
Deborah Heissler
Chiaroscuro
Linogravures d’André Jolivet
Préface de Sabine Huynh
Æncrages & Co, coll. Voix de chants, 2013
« Le vœu exaucé est de l’ordre de l’expérience, il représente sa sanction suprême. “Ce qu’on souhaite dans sa jeunesse, on le possède à profusion dans sa vieillesse”, a dit Goethe. Plus tôt dans la vie le souhait est formulé, et plus grand est la perspective qu’il se réalise. La vie, serait-on en droit de dire en conséquence, est précisément assez longue pour donner à espérer que les vœux de la première jeunesse auront des chances d’être exaucés. Car le lointain est le pays où les vœux sont exaucés. Plus un souhait s’étire vers les lointains du temps, et plus on peut espérer le voir se réaliser. Or ce qui ramène vers les lointains du temps, c’est l’expérience, qui en forme la trame et les articule. Aussi le souhait comblé est-il le couronnement de l’expérience. »
Walter Benjamin
Baudelaire
Édition établie par Giorgio Agamben, Barbara Chitussi et Clemens-Carl Härle
Traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau
La Fabrique, 2013